Investiture présidentielle
de Donald Trump (I)
(Article du 15 janvier 2017)
La
campagne américaine ne s’est pas arrêtée le 8 novembre. Il y eut quelque chose
d’inédit aux États-Unis, en plus de tout le reste, dans la hargne entre les
deux camps dans cette période qui va du jour de l’élection jusqu’à celui de
l’investiture le 20 janvier. Trump n’a enfilé qu’imparfaitement les habits du
personnage digne et respectable qui siéent à un chef d’État fraichement élu. Il
a certes modéré son allure, rangeant au magasin des accessoires sa houppe de
cheveux jaunes-oranges qui lui servait d’étendard mais il continue à distiller
ses petites phrases perfides et ses tweets vengeurs sans compter ses
nominations sujettes à caution et ses déclarations fracassantes, un jour à
l’encontre d’une actrice célèbre, l’autre contre une icône des droits civiques,
ou à propos de l’Otan ou de l’Union européenne, sans compter tous les
constructeurs automobiles qui en prennent pour leur compte. Trump ne parait pas
vouloir tempérer la ligne générale de sa politique ni ses orientations.
Ses
opposants sont vindicatifs aussi, car ils ont perdu sur le fil, et à une large
différence, une élection qui leur était gagné d’avance, et plus revanchards que
dans n’importe quelle autre élection passée parce qu’ils estiment n’avoir pas
perdu à la régulière. Et d’entreprendre avec l’aide des médias une campagne
d’après campagne pour délégitimer l’élection et pour délégitimer le Président
lui-même. Ses opposants résolus se trouvant dans le parti républicain même,
comme John McCain, parti dont il dépend au Congrès pour engager sa politique.
Tout ça est du jamais vu et annonce des révélations, des coups-bas et des
scandales ininterrompus. Il n’est même pas dit qu’une procédure d’empêchement
ne soit lancée contre lui. Retour sur les deux derniers mois.
·
La
victoire d’un outsider et d’un iconoclaste
Il
faut rappeler l’énorme différence de moyens entre Trump et Clinton. En terme
financier celle de Trump a couté un dixième de celle de Clinton, pour
l’essentiel prélevée sur sa fortune personnelle. Sans compter l’ensemble de la
classe dirigeante, formée des intellectuels, des artistes, des médias (200
journaux pour Clinton contre 6 pour Trump), et tout ce que Washington possède
de politiciens, tout l’establishment républicain compris qui a fait campagne
contre Trump.
Trump
a fait la différence dans les tout derniers jours de la campagne, l’avantage
décisif lui ayant été donné par ses propres adversaires, dans ce pilonnage hallucinant
de Clinton et d’Obama visant à écraser, à humilier, à salir celui qu’ils ont
toujours considéré comme un indésirable, un intrus, un imposteur. En politique
comme à la guerre, il est une règle de ne jamais humilier l’adversaire. Les
indécis ont certainement été révulsés non seulement par ce pilonnage mais aussi
par un tel parti- pris, encore jamais vu, de la part du Président sortant.
La large
victoire en termes de grands électeurs recouvre en fait une victoire à un fil
dans trois États décisifs, trois Swing States (Michigan, Wisconsin et Pennsylvanie)
où le vote ouvrier a fait la différence. Ce sont les 107.000 voix d’avance
additionnées sur ces trois États qui ont permis à Trump de gagner, soit
seulement 0.09 % du total national des scrutins. Trois États qu’Hillary Clinton
a négligé parce qu’ils paraissaient acquis et où nombre de votants ont dû se
sentir visé par ses remarques désobligeantes sur le profil des électeurs de
Trump, les Angry White Men.
L’économisme
de la gauche démocrate a été fatal à Hillary Clinton, comme elle le sera à la
gauche française ou à la gauche allemande en 2017. L’économisme de la gauche
vient de sa conversion à tous les préceptes du libéralisme économique et à son
abandon des classes populaires. C’est ce qui aurait fait gagner Bill Clinton
dans les années 1990 (It’s the economy
stupid !). En dépit du sous-emploi chronique et de la faiblesse des
salaires, la campagne s’est jouée sur l’identité nationale des Américains et le
modèle de l’Amérique du futur, pour la simple raison que les électeurs ont très
bien perçu que le nombre et la qualité de leur emploi et le montant de leurs
revenus ne dépendent pas, en système de frontières grandes ouvertes, de phénomènes
conjoncturels internes et du réglage de la croissance mais de choix politiques
et idéologiques. It was the social stupid
!
·
Ces
procédés pour délégitimer le vote Trump ou la personne de Trump
Les
mêmes procédés visant à délégitimer le vote Trump ont été utilisés pour le
Brexit ou les référendums perdus en Europe (en France, au Danemark, en Irlande)
à propos des traités européens.
Le
premier procédé, très entendu chez nous, par ignorance des règles de la
démocratie américaine, a consisté à mettre en avant le nombre de votes
populaires, de deux millions plus importants pour Hillary Clinton. C’est arrivé
cinq fois en 250 ans que le gagnant en nombre de grands électeurs ait moins de
voix en valeur absolue des votants. L’argument est absurde [1]. Dans le
système fédéral étatsunien l’échelle électorale de référence est l’État fédéré,
au sein desquels les partis décident de la façon dont seront élus les grands
électeurs (par votation ou par acclamation, à la proportionnelle ou au scrutin
majoritaire). C’est un suffrage indirect, fait pour modérer les excès du
suffrage universel et le risque de dictature. Cette divergence se produit dans
d’autres grandes démocraties comme le Royaume-Uni où se pratique le scrutin
uninominal à un tour.
Le
deuxième procédé vise à délégitimer les électeurs, soit en mettant en doute leur
capacité d’exercer leur droit de vote parce qu’ils n’ont pas l’éducation ou la
capacité de discernement face aux discours populistes –c’est l’éternel
rhétorique à l’encontre du suffrage universel versus un corps électoral de
citoyens éclairés dans le suffrage censitaire- soit parce que la colère ou le
ressentiment les animent, –là aussi c’est le procédé habituel des privilégiés
ou des mieux nés pour dénier toute légitimité aux mécontents, justement parce qu’ils sont
mécontents- soit qu’on leurs attribuent toutes les mauvaises pensées -raciste, sexiste
et homophobe- qui vous mènent en enfer. Le terme de petit-blanc -le Angry White Man- utilisé sans cesse après les
élections est un super concentré de tout ce qui délégitime l’électeur de
Trump : un ignorant, un mécontent, un raciste et un sexiste.
Troisième
procédé concernant les moyens de la campagne, avec les accusations de hacking
russe et de propagation de fausses nouvelles. Rappelons que pendant les
campagnes électorales américaines c’est la guerre, une guerre de type
commercial, avec des monceaux d’argent déversés que ni les démocrates ni les
républicains n’ont voulu limiter (les fameux PAC), pour dénigrer et calomnier
l’adversaire, pour l’espionner et le piéger, pour acheter des informations
confidentielles ou pour corrompre ses partisans. Il n’y a pas de règles si ce
n’est celles de ne pas se faire prendre, et de ne pas commettre d’actes
illégaux (comme dans l’affaire du Watergate). On le voit avec le dossier établi
d’abord dans le camp républicain puis
dans la nébuleuse de la CIA et du parti démocrate pour nuire à Trump en
relation avec ses liens avec la Russie. Rappelons que les agissements des
services secrets russes sont à mettre en balance avec les hallucinantes
révélations sur les pratiques de la NSA et le contrôle panoptique de la planète
grâce aux moyens électroniques dont disposednt les États-Unis.
Le
quatrième procédé concerne le personnage de Trump lui-même et les épithètes moralisantes
à son encontre. Aux critiques de campagne sur sa vulgarité de nouveau riche,
son ignorance, son sexisme, sa xénophobie, s’est ajouté un discours savant pour
délégitimer son discours et ses idées à partir du concept de post-vérité, sans
compter bien entendu la reductio ad hitlerium (voir l’article IV: Populistes bas du
front et demi-savants d’après-élection).
·
Un milliardaire bouffon et un pitre de pantomime
Il y a un côté bouffon, pitre, et anarchiste de
droite chez Trump. Il allume tous ceux qui l’attaque et ou se prennent au
sérieux. Il se moque des institutions et
de toutes les valeurs consacrées, même les plus respectées comme les anciens combattants, John McCain par exemple,
ce qui en dit long sur le regard des Américains sur leur armée et le complexe
militaro-industriel après des guerres inutiles et coûteuses. Il est un
iconoclaste narcissique ne respectant rien et capable de tout.
La dimension excessive et énorme du personnage se
retrouve dans sa philosophie “go to hell” (va en enfer) popularisée dans son
émission de téléréalité où il virait les gens qu’il jugeait incompétent.
Attaques personnelles brutales et répétées (if
they screw you, screw them twenty times harder), contre Clinton (she lies and she lies and she lies again)
ou contre Obama, sur son lieu de naissance, à base de simples rumeurs.
Les commentateurs autorisés ne saisissent pas le
phénomène Trump, pas plus que le duo Johnson-Farage, promoteur du Brexit, ni le
phénomène (Jean-Marie) Le Pen. Il y a chez eux quelque chose qui relève d'une
farce grotesque, d'un bras d'honneur, d'un formidable pied de nez aux puissants
de ce monde, aux gens qui se donnent de l'importance, à ceux qui font la morale
et méprisent les petites gens. Dans cette pantomime on entend le rire gras et grivois
de Gargantua, les ricanements du Bardamu de Céline, les pitreries sales du père
Ubu de Jarry [2].
Les bouffons font de la politique.
La revanche des sans-dents, des sans-importance, des
sans-grades contre les élites révoltées qui leur ont déclaré la guerre voilà
plus de trente ans (voir Christopher Lasch) utilisent les canaux les plus improbables
qui soient : des milliardaires sans manières, des aristocrates défroqués
et des chiens de guerre. Certes sa qualité de milliardaire opportuniste et sans
scrupules ne fait pas de lui le candidat idoine pour défendre les ouvriers et
les déshérités. Mais ce qui choque les Européens ou les intellectuels, tel que
l’étalage de richesse, sont des atouts pour qui caressent le rêve américain de
réussite [3].
·
Menteur de rue contre menteur de salon
Bien sûr que Donald Trump ment, bien sûr qu'il est
démagogue, Trump ment comme il respire mais les autres mentent aussi, d'une
autre façon, plus hypocrite et fausse, plus sournoise. Trump ment comme un
bonimenteur ou un arracheur de dent. Il est le menteur de rue contre le menteur
de salon. L’un est grossier, jovial et canaille. L’autre est madré, hautain et
pincé. D’un côté un des personnages de la pantomime ou de la Commedia dell’arte.
De l’autre le Tartufe de Molière, hypocrite, jésuitique et faux-cul.
Car Obama ou Clinton ne sont pas moins bonimenteurs
que lui. L'un avec ses airs de prêcheur baptiste -des prêches inversement
proportionnels aux réalisations de son mandat et au respect de ses promesses de
campagne- toujours à prôner la bonne parole, qui n'est que l'habillage
rhétorique de son impuissance ou de sa pusillanimité, un puritain moraliste -ce
qui ne l'empêche pas d'ordonner liquidations et assassinats par drones
interposés partout où bon lui semble. L’autre, Clinton, avec son air faux et
emprunté qui lui vaut de ne pas inspirer confiance, avec ses sourires forcés
jusqu'aux oreilles pour faire croire qu’elle n’est pas la mégère dont elle a
les airs, ses postures progressistes pour cacher sa proximité avec Wall Street,
et les puissants de ce monde.
Le populo déteste le menteur de salon et accorde sans
illusions et une sage distanciation, ses suffrages au menteur de rue, ses rires
gras, ses blagues douteuses et ses racontars, comme un pied de nez à ceux qui
dans les salons, lui disent comment penser et se comporter. Le bobo abomine le
menteur de rue et assez naïvement il croit aux mensonges du menteur de salon, à
sa morale de sacristie, à ses indignations sélectives, à sa pudibonderie et ses
postures de bien-pensant.
·
Populiste, démagogue et une bête de
scène
Quelques précautions sont à prendre pour comprendre
le phénomène Trump. Il faut dissocier l’homme, Donald Trump, peu recommandable
selon les critères de savoir et d’expérience généralement attendu pour une
telle fonction, de son programme qui a le mérite d’être clair –Make America
great again- et d’offrir une alternative possible au néo-libéralisme. C’est
l’acte II de la révolution néo-conservatrice américaine, Ronald Reagan ayant
assuré l’acte I.
Ses outrances et provocations de campagne trouvèrent
leurs pendants dans l’hystérie des anti-Trump dont la fin de campagne a offert
un aspect caricatural. En dépit d’être un ignorant qui n’a jamais lu de livres,
Trump a des qualités exceptionnelles de charisme, il est un séducteur et un
deal-maker et il a un caractère décidé et volontaire. Sa grande expérience des
affaires fait de lui un décideur au meilleur sens du terme.
Il convient de dissocier la lettre et l’esprit d’un
programme électoral, ce que Trump a lui-même expliqué dans sa défense d’une
approche hyperbolique (truthfull hyperbole [4])
des problèmes, une « forme innocente d’exagération », ce que Margaret Sullivan du Washington Post explique
aussi dans le mea-culpa de son journal (« Les médias prennent toujours Trump à la lettre mais ils ne le prennent
pas au sérieux »). L’exagération
ou l’emphase est le propre des discours de campagne, des harangues de préaux
d’école jusqu’à l’atmosphère enflammée des grand congrès.
Car Donald Trump est un populiste et un démagogue,
certes. Mais un populiste c’est avant tout quelqu’un qui est populaire, qui
comprend les ignorants et les bas du front comme lui, méprisés et démonisés par
les élites et les intellectuels, et qui est compris par eux, en utilisant les
canaux inhabituels de la politique, hors des partis, en cherchant une communion
directe avec son électorat, par son charisme personnel et l’emploi des grands
médias. Le populisme a ses lettres de noblesse à travers Dostoïevski ou Jack
London et le populisme a été de gauche et même socialiste.
Quant à l’accusation de démagogie, elle fait sourire
car François Hollande au Bourget dans son engagement à combattre son ennemi la
finance n’était pas moins démagogue que Trump promettant de bâtir un mûr aux
frais du Mexique à la frontière sud des États-Unis. Et puis le démagogue est le
comble de la démocratie, la démagogie est indissociable des pratiques
démocratiques. Depuis Platon et Périclès, nous sommes avertis.
Sur la dimension du vote ethnique blanc en la faveur
de Trump, rappelons tout de même qu’il n’a choqué personne qu’une très grande
majorité de noirs ait voté pour Obama, qui lui-même est métis. Et puis surtout
la dimension du vote ethnique n’a pas le caractère raciste qu’il avait
autrefois. On peut le regretter mais on vote plutôt pour qui nous ressemble, et
la couleur de peau ait l’un des critères du choix, tout comme on s’accouple
avec qui physiquement on s’identifie.
Au delà de la couleur de peau, il y a des références
culturelles qui dépassent les appartenances ethniques, sexuelles ou
religieuses. Le vote Trump est un vote d’attachement aux valeurs et aux accomplissements
de l’Amérique, et à travers elle de la civilisation occidentale qui est, qu’on
le veuille ou non, un phénomène masculin, blanc et chrétien et auquel on peut
adhérer sans pour autant être blanc, chrétien et de sexe masculin. C’est la
différence entre adhésion et identification.
Donald Trump est le produit de son temps, le produit
de la société du spectacle, une bête de scène, comme d’autres, de Bill Clinton
à Whitney Houston ou chez nous de Sarkozy à David Pujadas ou Éric Zemmour. L’Italie,
ce laboratoire des idées politiques, avait montré le chemin, avec Berlusconi et
il est étonnant que les commentateurs n’aient pas fait plus souvent le
parallèle entre le condottiere italien et le rufian étatsunien:
constructeurs d’empire industriel et financier et star des médias chacun à leur
manière, séducteurs phallocrates et machistes, redoutables battants démagogues
et roublards, sans parler de leur entrées tardives en politique contre les
partis de droite déjà installés.
Trump est un Berlusconi avec une vision et un projet
pour son pays, ce que l’Italien ne possédait pas, et dans un pays qui n’a pas
cette passion de la politique propre aux Italiens et sans l’art politique qui
est né en Italie. Trump est pourtant un disciple de Machiavel, peut-être sans
le savoir.
·
Trump, un rufian bête et méchant disciple de
Machiavel
Bête
et méchant, tel sera finalement apparu Donald Trump aux commentateurs tout au
long de la campagne de la Présidentielle, son personnage, ses discours et son
programme. Tout aura été dit à ce propos. Un personnage
cynique et insultant, se riant de la morale et des belles manières, sans codes
ni garde-fous, sans respect des adversaires et sans ménagement pour ses
partisans.
Bête
et méchant comme, mettons, Charlie Hebdo ou Guy Bedos, ou feu Hara-Kiri et
Coluche, ou comme les Simpson aux États-Unis. Alors certes, entre la bête
méchanceté des humoristes et des journalistes et celle des hommes politiques,
il devrait y avoir un abime, un gouffre régi par les règles de la common decency politique. Et bien non,
il n’y en a plus, et Michel Rocard nous avait prévenu : les bouffons
occuperont le chœur de la cathédrale et on s’agenouillera devant eux. Telle est
la politique gagnée par la société du spectacle.
Bête
et méchant, ou quand un histrion sans foi ni loi fait perdre à la politique ce
qui lui restait de dignité et de moralité ? Ou alors est-ce que Donald Trump le
ruffian, en prenant le contrepied de décennies de rectitude politique, Trump en
bouffeur de curés, à l’ancienne, avec le ton grivois et les mots gras, contre les
curés madrés et amidonnés donneurs de leçon qui se sont appropriés la politique
pour en faire cette mélasse dégoulinante de bons sentiments, ne rend-il pas à
la politique quelques unes de ses lettres de noblesse ?
N’est-ce
pas la politique réduite à un moralisme gluant et puant, à la traque et mise à
l’index des mauvaises pensées et des mots suspects, à ses discours
culpabilisant et infantilisant à l’adresse de ceux qui ne marchent pas droit, qui lui servent
de viatique depuis des décennies, de ce que le comité Orwell qualifie de
totalitarisme soft, qui a créé par réaction les iconoclastes et les bouffons
?
Trump
restitue à la politique sa dimension machiavélienne. Machiavel fait naître la politique
au sens moderne. Il est avec Hobbes puis Locke aux fondements de nos régimes
politiques. Rappelons-nous aussi que les plus grands serviteurs de l’État que
la France a connu sous l’Ancien Régime furent Richelieu, Mazarin et Colbert,
tous à l’école de Machiavel, et de fieffés voleurs devant l’Éternel, pour les
deux derniers, ou que plus près de nous un Disraeli ou un Bismarck n’obéirent
pas davantage à nos critères de respectabilité de l’homme public moderne, sans
compter Charles de Gaulle qui fut toute sa vie un rebelle et
ne cessa de conchier tous ceux qui lui déniaient sa légitimité. Ils étaient
à l’école du réalisme. Non pas l’art du possible et des discours, et de
l’impuissance –yes, we can- comme
Obama l’aura été mais l’art d’agir et d’obtenir des résultats –yes, we are [5]. Trump
est imprévisible. Il faut s’attendre à tout avec lui, le meilleur et même le
pire.
[1] Ce serait comme s’indigner que le Président de la Commission européenne
ne soit pas élu avec la majorité des suffrages des électeurs de l’Union
européenne (les députés du Parlement européen jouant le rôle des grands
électeurs), à la différence près que dans le système étatsunien les électeurs savent
à l’avance quel est le candidat pour lequel ils accordent leur suffrage (indirect).
La question ne se pose pas car chaque État est souverain et qu’il n’y a pas de
souveraineté populaire à l’échelle européenne.
[2] Il vaut la peine de mentionner quelques passages d’un
livre juste sorti (Trump Revealed: An American Journey of
Ambition, Ego, Money, and Power by Michael Kranish and Marc Fisher), qui s’il est à charge contre Trump, ne peut
s’empêcher d’une certaine admiration pour ses performances d’acteur et son
« narcissisme gargantuesque » : „Donald Trump offers such consummate political theater—his gargantuan
narcissism makes him so mesmerizing to watch... He is a master at sharpening and giving shape to deeprooted class
resentments, an artist at shrugging into attitudes as if they were costumes, at
reflecting and embodying anger… He is a supreme performer—the billionaire
builder with the outerborough accent and toughguy talk—and as he surfs the
applause and cheers and shouts nothing could be plainer than that he
understands his audience”.
[3]
Un éditorialiste du Daily News, George Rush, explique aux auteurs de Trump Revealed (ibid), “The immigrants would always want to know
about Donald Trump. He embodied the American Dream to them… Excessive,
conspicuous consumption is not a bad thing in New York to a lot of people. It’s
kind of comic what he was doing. I’ve always felt like Donald was in on the
jokes. He knows he’s over the top, but that’s where he likes to live. “
[4] “People may
not always think big themselves, but they can still get very excited by those
who do. That’s why a little hyperbole never hurts. People want to believe that
something is the biggest and the greatest and the most spectacular. I call it
truthful hyperbole. It’s an innocent form of exaggeration—and a very effective
form of promotion. (dans Trump
Revealed, ibid.)
[5] L’emploi répété de we are + ing qui a un sens dynamique de nous allons, alors que le we can, nous pouvons, est statique, comme dans
cette harangue à Pittsburg, la cité de la métallurgie dans les derniers jours
de la campagne, début novembre 2016 : „we are going to win the great state
of Pennsylvania and we are going to win back the White House... When we win, we
are bringing steel back, we are going to bring steel back to Pennsylvania,
like it used to be. We are putting our steel workers and our miners back
to work. We are. We will be
bringing back our oncegreat steel companies“.
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