mercredi 23 novembre 2016

Trump II: Le panache blond du WASP étatsunien

Investiture présidentielle de Donald Trump (II)
(Article du 22 novembre 2016) 

Trump va-t-il s’assagir dès qu’il aura passé les portes de la Maison blanche ? Il faut l’espérer, ou le craindre, si l'on est de ceux, nombreux dans son électorat, qui ont fait vœu de scepticisme et ne parviennent pas tout à fait à prendre au sérieux les hommes politiques en général et Donald Trump en particulier. Lors des premières tractations pour la formation de son administration Trump parait déjà avoir mis en berne son exubérante houppe de cheveux jaunâtres qui lui servait d’étendard ! Va-t-il se renier ? Probablement pas, et la question est de savoir jusqu'où ira sa révolution conservatrice.
Le camp Clinton a fait l'erreur de prendre Trump, son allure et ses bons mots, au premier degré, de le sous-estimer, de le croire plus bête qu’il n’avait l’air, tombant en plein dans le panneau tendu. La condescendance et le mépris pour les bas du front imbéciles et obtus est le trait commun de la caste politico-médiatique, de la jet-set artistique et des seigneurs de la finance et de l’industrie, que ce soit aux États-Unis, en Grande Bretagne ou en France. 
Il y a un impensé symbolique à la chevelure de Trump, par son volume, sa forme et sa couleur, par les références subliminales qu’elles mettent en branle. Rien d’oiseux et de vain là-dedans, ceci est très sérieux. Il est des empires qui s’effondrent par les caractéristiques d’un nez. Il est des élections qui se gagnent, et des révolutions qui se mettent en branle, par le fait d’une coupe de cheveux. Du reste que serait Churchill sans son obésité et ses cigares, Hitler sans sa ridicule petite moustache et sa mèche noire, ou de Gaulle avec ce corps trop grand dont il ne savait que faire. Telle est la puissance des images sur celle des phrases, et la force des symboles sur les mots, que ce soit au marbre des statues antiques, aux actualités filmées des salles de projection cinématographique ou aux écrans modernes des médias audiovisuels, à l’heure où l’image a supplanté l’écrit et l’écran se substitue au livre.
Trump a fait de son panache blond un étendard, un signe de reconnaissance, un mode de ralliement. Tout comme Obama a fait de sa démarche de basketteur, cool et élastique, typique de la culture noire, le basket étant par excellence le sport des noirs américains, et ses sermons iréniques de prêcheur baptiste, à la manière de Martin Luther King, les signes de reconnaissance de sa propre présidence. Cette décontraction si américaine et ses discours en forme de prêches religieux ont valu à Barak Obama sa facile élection, et son prix Nobel anachronique, mais soulignent, a contrario, la faiblesse de ses deux mandats, le peu de réalisations à son actif et la déception relative de ses électeurs, comme si le tribun avait annihilé l'homme d'action.
Stigmate de la blondeur et récupération de l’indignité
Il sera difficile à celui qui ne l’a pas vécu personnellement de croire qu’il y a une indignité à être blond aujourd’hui. Pourtant quand Jean-Luc Mélenchon déclare "qu'il ne peut pas survivre là où il n'y a que des blonds aux yeux bleus", il traduit la gêne que suscite la blondeur. Imaginons qu’il eût parlé de noirs ou de bruns aux yeux foncés de type latin, et c’était le scandale assuré. Le blond, dans l’imaginaire collectif, est l’équivalent du nazi, du toqué, du réprouvé ou de la grande folle. Il suffit de voir ce que l’on fait jouer aux blonds au cinéma depuis une quarantaine d’années: des rôles d’Allemands (Fiennes, Law), de collaborateurs de ces Allemands (Marchetti, le policier des RG, dans la série Un Village français), de doux dingues (Peter O’Toole, Pierre Richard ou Brice de Nice), de tueurs en série (Dexter dans la série éponyme), d’assassins ou de malades mentaux (Klaus Kinsky).
Il y a une anomalie à la blondeur, une improbabilité, parce que le nombre de blonds est plutôt faible dans le monde (10 % de la population en Europe occidentale) et que la blondeur s’efface avec l’âge. Une anomalie remarquablement traduite par David Bowie dans son rôle d’officier britannique prisonnier des Japonais dans le film Furio.
Pour prendre la mesure du changement radical qui s’est opéré dans notre imaginaire, il faut se souvenir que quand la blondeur était valorisée, les grands rôles du cinéma, ceux de jeunes premiers (Jean Gabin et Jean Marais) ou de héros romantiques (Gary Cooper ou James Dean) ou de chanteurs de charme (Charles Trenet et ce personnage très étonnant, juif d’Algérie, appelé Blond-Blond parce qu’il était albinos) étaient pris par des blonds aux yeux bleus. Tout ceci a changé en 1945 en Europe où la blondeur est devenue synonyme d’aryanisme et de persécutions, avec la découverte des monstruosités que les préjugés ethnico-raciaux du nazisme (inverses des nôtres) avaient engendrées et plus tard aux États-Unis sous l’effet du mouvement des droits civiques et des politiques d’affirmative action puis du droit-de-l’hommisme et de l’humanitarisme quand le blond s’est vu peu à peu assimilé à l’éternel méchant -colonialiste, esclavagiste, génocidaire- de l’Histoire.
Pour les femmes, l’indignité d’être blonde n’est pas moins grande : idiote, pétasse et putasse, la blondasse réunit tous les stéréotypes. Les « histoires de blonde » qui nous semblent aller de soi sont récentes. Il n’y a pas cinquante ans, la blondeur était synonyme de pureté et d’innocence, voire de sainteté (Michèle Morgan, Romy Schneider), de sagacité (Brigitte Bardot, Mireille Darc) et de fidélité ou de bonté (Simone Signoret dans Casque d’Or) et même aux États-Unis, avant Jayne Mansfield et surtout Marilyn Monroe, quand on pense aux personnages sages, calculateurs ou froids interprétés par Greta Garbo, Ingrid Bergman et Grace Kelly. Et chaque fois que je chante l'air du catalogue dans Don Giovanni, je ne manque pas de m'étonner que ce soit la gentillesse de la blonde que ce cher Wolfgang, ou Da Ponte, eussent a louer. Plus rien à voir avec les Nicole Kidman, Sharon Stone et Britney Spears de notre imaginaire contemporain !
Une chevelure improbable : ampleur, couleur et forme
La chevelure improbable de Donald Trump, duveteuse et vaporeuse, apparemment naturelle mais faite pour instiller des doutes sur son authenticité, d’autant que jaunâtre, tirant sur l’orange, le jaune et le gris platine, aura été l’un de ces leurres lancer par Trump pour tromper l’adversaire. Chevelure d’autant impensable que passé la trentaine Trump était châtain, et qu’il n’a acquis cette couleur bigarrée qu’à l’orée des années 2000, quand elle a pris du volume et les tons fauves et léonins d’une crinière de vieux lion, à partir du moment où il a commencé son émission de téléréalité [1]. Coiffure à l’antique, comme un casque de cheveux au marbre des statues avec une mèche dont on ne sait où elle prend racine mais qui s’étend à l’aplomb du visage pour masquer la calvitie du front, assez peu marquée pour un homme de cet âge, et sur l’arrière pour dissimuler celle au sommet du crâne.
La chevelure de Trump, par son ampleur, est la crinière de Samson ou du vieux lion, symbole de force et de fécondité, surtout quand le patriarche réunit sa nombreuse famille recomposée autours de lui. Il incarne une masculinité assumée, y compris graveleuse, à un moment où le féminisme à vocation matriarcale, agressif et niveleur, est sur la sellette, et cela parle aux classes populaires.
La blondeur plus ou moins factice des cheveux du Président élu est le plumet de l’aryanité (ou de l’anglo-saxonité pour rester correct) dont certains de ses partisans se revendiquent assez ouvertement (voir l'article du New York Times sur le mouvement Alt-right dont Breitbart News, la plateforme media, avait pour directeur Stephen K. Bannon, le nouveau conseiller à la stratégie du Président Trump), sauf que les idiots utiles de l’antiracisme idéologique en faisant sonner les trompettes de l’indignation n’auront pas compris de quoi il en retourne. Ce n’est pas la référence ethnique et le retour à une Amérique blanche fantasmée qui est en jeu mais la référence à une idée de l’Amérique incarnée par ses fondateurs anglo-saxons. Et de la part des électeurs de Trump, dont un assez grand nombre de latinos et de noirs tout de même, ou de blancs qui n’ont rien des traits physiques des Pères fondateurs anglais et pas l’ombre d’un sentiment raciste, il s’agit bien d’un processus d’adhésion sans identification à ce que Trump représente ou personnifie -j’y reviens plus loin.
La coiffure, par sa forme, ressemble à un casque de cheveux (le spray fixant qu’il utilise se nommerait même Helmet Head). C’est le panache du guerrier à l’antique. L’image se réfère aux grands personnages de l’antiquité gréco-latine. Sans aller jusqu’à comparer Trump au David de Michel-Ange, comme un article récent du Point le suggère -les différences de beauté et d’âge sont tout de même considérable- la référence est bien là: à défaut du port de tête grec ou du profil romain c’est bien au marbre des statues auquel la figure de Trump nous ramène, référence civilisationnelle évoquant le courage du combattant hébreu ou grec, le sage athénien et le patricien romain. Et il n’est jusqu’à la démagogie du tribun qui ne trouvât ses références chez Platon, le démagogue étant le propre du régime démocratique.
Trump, personnalisation clownesque de l’Amérique
Tel un clown joyeux, farceur et imprévisible, Trump a charmé toute une moitié de l’Amérique qui aime les personnages grotesques et ridicules, et choqué l’autre, l’Amérique qui se prend au sérieux, plus digne, plus coincée, plus rabat-joie, l’Amérique d’Hillary Clinton, raide et pisse-froid. On ne comprend rien au phénomène Trump si l’on feint d’ignorer que la dérision, l’autodérision et le rire à gorge déployée sont au cœur de l’identité nationale américaine, dans la littérature, chez Mark Twain et surtout dans le cinéma ou au music-hall. Trump rappelle les personnages burlesques familiers de l’imaginaire étatsunien, les Buster Keaton, Laurel et Hardy, Charlie Chaplin et Marx Brother, et même Samy Davis Jr. Trump est un menteur et un tricheur assumé, tout comme les Clinton sont des menteurs, ou Obama, mais d’une autre façon, plus hypocrite et plus fausse, les premiers comme avocats et le second avec sa faconde de prêcheur, la main sur son cœur, des mots sucrés plein la bouche.
Trump a fait de ses cheveux flamboyant et trop voyant un produit marketing. C’est l’avantage de certains blonds quand ils vieillissent, sur ceux qui ont la malchance relative d’être foncés : les cheveux gris et blanc se confondent avec le doré. Ils n’ont pas besoin de se teindre la chevelure comme un François Hollande, façon bourreau des cœurs d’actrices et de journalistes. D’un ridicule assumé et volontairement poussé Trump a fait de ses cheveux un signe de reconnaissance et même un signe de fierté, pour lui et ses soutiens, une bouffonnerie ou un stigmate que l’on brandit pour compter ses partisans. Dans la société du spectacle, dans le grand barnum des élections, il faut se faire remarquer, tout azimut, quelques soient les moyens, par le choc des mots, même les plus indécents et grossiers, et la puissance évocatrice des images, même les plus grotesques et outrées.
Trump manie les unes et les autres à la perfection et l’on est un peu peiné de la naïveté de ses adversaires, qui lui ont si souvent servi la soupe soit en s’indignant de ses bons mots pas bien élégants dont il a émaillé sa campagne soit en se moquant de son allure de bouffon. C’était le but recherché. Ils ont ainsi participé au processus, non d’identification, mais d’adhésion au candidat Trump, à son programme et son slogan de campagne -Make America great again- et à ce qu’il personnifie, cet impensé symbolique résumé par ses cheveux, pour ses futurs électeurs qui ne s’identifient pas physiquement avec le candidat, ou avec son style de vie, ou avec sa gouaille et ses outrances, mais qui se reconnaissent dans ses idées, dans son programme, et de ce qu’il dit de l’Amérique, sans pour autant lui faire un chèque en blanc, si l’on peut oser ce jeu de mots. Les électeurs de Trump, comme ceux de Marine Le Pen, sont plus malins que ce que la classe médiatique imagine. Ce sont des sceptiques en politique. Ils ne prennent jamais tout à fait au sérieux ceux qui sont chargés de les représenter.
Adhésion sans identification, personnification sans incarnation
C’est toute la différence entre le processus d’identification avec quelqu’un qui nous ressemble et une simple démarche de reconnaissance ou d’adhésion de type ethnico-culturelle à des idées et à un programme, et à celui qui le personnifie, auquel on n’est pas obligé de ressembler. Il faut insister à ce niveau sur trois erreurs ou confusions souvent faites de ce côté de l’Atlantique :
-    L’éthos étatsunien, l’identité nationale de l’Américain s’est construite sur le modèle du WASP (White Anglo-Saxon Protestants), depuis les Quakers du May Flower jusqu’au Président prêtant serment sur la Bible. Mais ce modèle ne tient pas à l’appartenance ethnique, raciale et même religieuse des habitants mais à l’adhésion aux valeurs historiques de l’Amérique incarnées par le WASP : la famille, le puritanisme, la Bible hébraïque et chrétienne, les institutions républicaines, l’éducation, la réussite par le travail et l’argent, et l’anglais comme langue commune. C’est ainsi (si l’on veut bien pardonner l’oxymore), que les plus Wasp des catholiques, les Kennedy, une famille patricienne de la Nouvelle Angleterre, ou le plus Wasp des noirs, Barak Obama, passé par le formatage de Yale et du Congrès, ou les plus Wasps des juifs – de Barry Goldwater à Henry Kissinger et Bernie Sanders- ont accédé ou ont failli accédé aux plus hautes fonctions du pays. C’est l’adhésion des Kennedy ou d’Obama aux valeurs du WASP qui leur ont ouvert les portes de la Maison blanche.
-      Il nous paraît étonnant, et révoltant, à nous autres Européens que des prolétaires et des déclassés puissent voir en un milliardaire sans morale et sans scrupules la réponse à leurs problèmes, un patron dont les méthodes avec ses salariés ou avec le fisc sont celles d’un truand de haut vol. Bienvenue dans le monde des barons-voleurs… C’est le mystère de la personnification sans incarnation qui tient pour les États-Unis à deux valeurs de l’éthique protestante toujours présentes : l’homme seul et héroïque face aux pouvoirs et à l’establishment, et la réussite professionnelle en tant que signe d’élection et de distinction, peu importe la forme et la manière. Notre vision européenne du WASP est trop celle du grand bourgeois d’affaires dont le cinéma ou la littérature, dans Bret Easton Ellis, a donné une vision trouble qui fausse notre jugement. L’éthique du WASP se retrouve chez l’ouvrier du Michigan ou le travailleur social du Wisconsin, chez le fermier du Kentucky et le retraité de Floride, chez les juifs et les catholiques, et même chez les musulmans. Il faut du reste faire justice à Max Weber : l’occidentalisation du monde ne fait que traduire l’universalisation de l’éthique du protestantisme et de l’esprit du capitalisme.
-   Les États-Unis ont une tradition assimilationniste, comme jadis la France, mais avec des moyens différents, par la contrainte et la violence, comme on le voit illustré dans le film Gangs of New-York ou par ces symboles de basse intensité qui forment un everyday nationalism -The Star and Stripes, The Pledge of Allegiance, les Primaires, Thanksgiving, le Superbowl- et par le pouvoir d’adhésion aux valeurs messianiques nationales. Ce n’est que depuis les années 60 que le multiculturalisme l’emporte sur le modèle assimilatoire. Les États-Unis, pays multiracial, était unifié culturellement, les amérindiens, les asiatiques et les mêmes les noirs ayant repris à leurs compte la culture religieuse, les modes de vie et les codes professionnels ou vestimentaires du WASP. Ce que le terme même de melting-pot, qu’il faut traduire par creuset (pour la fusion des métaux) désigne.
Aujourd’hui le melting-pot est remplacé par le salad-bowl : la population organisée en communautés ne se mélange plus; les latinos parlent espagnols et s’organisent en société séparée, les noirs retournent à la culture des marges, les musulmans suivent le Coran et non la Bible, les femmes et les homosexuels ont leur propre agenda en matière de mœurs et de procréation et il n’est jusqu’aux blancs défavorisés -les White Trash- qui se voient assignés à s’organiser communautairement depuis qu’ils se retrouvent les grands sacrifiés de la globalisation et des politiques d’affirmative action.
Le Président WASP
Comme de bien entendu les commentateurs autorisés ont remplacé les bêtises d’avant élections par des inepties d’après élections, comme de dire que Trump est le Président des petits blancs (sous-entendu les bas du front racistes, peu éduqués et marginalisés), et d’expliquer la montée des populismes par la peur et la colère, et la révolte des peuples contre les élites (à l’instar du Brexit ou la montée inéluctable de Marine Le Pen). Il y a du vrai bien sûr là-dedans mais le propos est trop court, il manque de profondeur, ignorant la puissance irrésistible de la lame de fond, expliquant le comment mais jamais le pourquoi de la montée des populismes.
Les WASP -blancs, protestants et anglo-saxons- sont l’essence de l’Amérique, dans un pays obsédé par la différence raciale et par la question des origines, jusqu'à un degré pathologique (dans la querelle évolutionnisme-créationnisme ou sur la question jamais refermée « des premières nations », asiatique ou européenne, qui auraient découvert en premier le continent, et des droits prioritaires qu'ils auraient ainsi acquis). Les descendants des Pilgrims Fathers ont créé et développé ce pays, massacrant, au passage, les peuples amérindiens qui l’occupait précédemment, mettant en place un des pires systèmes esclavagistes qui se puisse imaginer et spoliant les hispaniques des territoires au sud qu’ils avaient conquis, pour en faire une grande démocratie et le pays le plus puissant qui n’ait jamais été. Ils peuvent se sentir fier, malgré tout, de l'ouvrage accompli (les États-Unis ont créé, avec la Grande-Bretagne, les fondements de la démocratie libérale) et très en colère contre ceux qui veulent le détruire, ou qui s’organisent pour le dénaturer, au nom du rachat des fautes et de la revanche des battus de l’Histoire.

Tout est dans le "malgré tout", au trébuchet incertain des crimes du passé, normalement prescrits, et des œuvres réalisées. Ce qui caractérise la démocratie libérale par rapport à la loi de la tribu ou du clan, au système féodal et à l'absolutisme royal, aux tyrannies et aux théocraties, c'est la responsabilité pour soi, pas pour les autres ni pour ceux qui nous ont précédés, l’inverse de la loi du sang. La démocratie multiculturelle nous fait régresser vers la loi des frères ou la loi des parents, sous la coupe des chefs de gangs et des chefs de clans; la revanche jamais éteinte des ancêtres, la mémorialisation des crimes du passé, la vengeance jamais assouvie des victimes et de ceux qui en perpétuent le souvenir et établissent les bases du fonds de commerce lacrymal et lucratif qui servira leurs intérêts.
La « question blanche », le populisme et la nouvelle guerre de Sécession à venir
Avant d’être engagé pour jouer James Bond Daniel Craig se plaignait de ne se voir donner que des rôles de nazi. Choisir un blond aux yeux bleus pour le rôle de 007 en 2005 fut le signe d’un retournement de tendance, une sorte de revanche des blonds, dont l’élection de Trump est un parachèvement. Car Trump est un déviant au sens du sociologue Erving Goffman : il refuse la place allouée par lui par la société et il arbore le stigmate de sa blondeur comme un trophée. Il récupère les traits de l’indignité en le transformant en signe de fierté, comme les noirs arborant des coiffures afro en signe d’affirmation de soi, ou les rescapés juifs des camps ne cachant pas leur tatouage au bras, ou les homosexuels atteints par le sida récupérant la symbolique du triangle rose.
Avec le phénomène Trump autant qu’avec le phénomène Marine Le Pen, et de façon moindre avec le Brexit, on assiste à l’émergence d’un communautarisme de souche (blanc, chrétien, masculin), fonctionnant à l’instar des autres communautarismes -la revendication de droits, la victimisation et l'affichage agressif d'une fierté retrouvée -la white pride après le black is beautiful et le gay pride- une « communauté » jusqu’à présent majoritaire qui se sent dépossédée de ses droits historiques.
On assiste aux État-Unis autant qu'en Europe à l’émergence d’une « question blanche », comme il y eut une question juive ou une question noire, en réaction à la mondialisation libérale dépossédante, au multiculturalisme déculturant, au processus de remplacement populationnel, au développement d’un féminisme castrateur et à la mise en cause de l’identité culturelle multiséculaire de l’Homme occidental, si ce n’est des fondements de sa civilisation : Athènes-Rome-Jérusalem, la Chrétienté médiévale, la Renaissance, les Grandes découvertes, la Raison des Lumières, l’État-nation.
La victoire des courants politiques populistes –le populisme n’étant jamais que le symptôme des dysfonctionnements d’un système politique, et par là même un sursaut nécessaire ou salvateur pour ce système- traduit la recomposition idéologique à l’échelle planétaire, la summa divisio, comme dit Jacques Julliard, entre mondialistes et souverainistes, ou à l’échelle française, entre les deux versions du républicanisme observées par Marcel Gauchet: l’internationaliste et la patriotique.
Les premières nominations faites par Trump montrent que lui et ses partisans sont décidés à maintenir une ligne dure, voire très dure contre ceux qui ne partagent pas leur vision des États-Unis. Leur agenda est de refonder les bases de l’Amérique des origines. Ce peut être une lutte sans merci qui s’engage entre deux visions, d’un côté l’Amérique du WASP personnifié par Trump à laquelle une majorité des couches populaires s’identifie et de l’autre l’Amérique multiculturelle défendue par les élites de la finance et de la culture, le parti démocrate et l’establishment du parti républicain, plus toute une ribambelle hétéroclite de communautés et de groupes de pression.
Cette lutte est porteuse de troubles civils et d’une nouvelle guerre de Sécession, sous forme de partition et de communautarisation, sur des fondements similaires à la première du genre mais à front renversés, et des lignes de fracture géographiques étonnamment constantes. C’est le nord confédéré (le nord-est plus précisément, plus la façade pacifique à l’ouest) qui sera tenté de faire sécession contre le sud fédéraliste (associé au Midwest). Les libre-échangistes du parti démocrate sont passés au nord et les protectionnistes du parti républicain au sud. De même que les tenants de l’industrie versus ceux qui bénéficient d’une rente de situation à l’exportation -hier l’agriculture du sud fondée sur l’exploitation esclavagiste et aujourd’hui la net-économie du nord fondé sur l’extorsion mondialisée de la valeur ajoutée. Une chose demeure en tous cas : les fractures raciales et la vision obsédante racialisante de la société étatsunienne, soit par séparatisme racial et volonté de ne pas se mélanger soit par l’injonction au métissage et au mélange, par déni ou angélisme, pour nier ces races (ou ces différences ethnico-culturelles si l’on veut rester correct) qui ne devraient pas exister.



[1] Comme on le voit dans une série de photos d’un article du Huffington Post dont le titre -L’évolution des cheveux de Donald Trump est aussi effrayante que ses politiques- montre comment les partisans d’Hillary Clinton n’ont rien compris à cette campagne et qu’ils ont, pour cette raison même, lourdement perdu les élections.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire