mardi 16 janvier 2024

Un peuple de droite en marche !

(Quatre textes parus dans Boulevard Voltaire en juin 2013)


1. État partisan: le dévoilement

Enfin ! Avec les Manifs pour tous, le peuple de droite s'est réveillé en s'appropriant les formes de l'insoumission citoyenne, de l'humour et du légalisme républicain, donnant un coup de vieux à une gauche enfermée dans son relativisme et son communautarisme, confite de repentances mémorielles, retranchée dans son misérabilisme saint-sulpicien, occupée à satisfaire tel ou tel groupe de pression, une gauche ringarde dont l'archaïsme bloque les réformes radicales dont la France a besoin. 

L'épisode du mariage pour tous en a rajouté une couche dans le grotesque de nos petits-bourgeois sociatélistes: les familles accusées d'homophobie parce que défendant dans le mariage une structure anthropologique de l'altérité sexuelle et de la filiation, s'insurgeant que l'on aille ébranler ses fondements symboliques, autant pour détourner l'attention des problèmes de l'heure que pour satisfaire une faction ultra-minoritaire et paria qui se prend à rêver de respectabilité sociale et de mariage en blanc. 

Si ce n'était si lamentable, dans leur tombe, Wilde, Gide ou Cocteau, Genêt, Colette ou Trenet, et même Yourcenar, Mauriac et Aragon s'en étoufferaient de fou-rire, à se dire que la grande littérature écrite par des homosexuels, et les arts inspirés par eux, ont disparus quand l'homosexualité est devenu visible et qu'elle s'exhibe sans pudeur sur les médias et dans la rue.

Avec l'affaire du Syndicat de la Magistrature et la chasse ouverte aux cons de droite, un nouveau volet apparaît du grand dévoilement idéologique, après que, depuis un an, nous avons vu le gouvernement faire la chasse aux riches (les 75 % de taxation patriotique et Bernard Arnaud / Gérard Depardieu qualifiés de "minables"), aux entreprenants (les pigeons devenus voyageurs), aux patrons (toujours fraudeurs et voyous), aux multinationales (vendues au grand capital anglo-saxon), et pour finir la chasse aux méchants Allemands (trop compétitifs et dominants, et incurablement meilleurs que les Français).

Nous savions l'État arbitraire, injuste et incohérent, bien trop souvent. La preuve est apportée que la justice elle-même a ses partis-pris. Car ce n'est pas tant que des juges appartenant au syndicat majoritaire de la profession expriment leurs opinions en public (encore que, quid de ce devoir de réserve dont l’administration nous bassine constamment ?) qui choque mais l'absence de retenue et la forme insultante et infâme vis-à-vis d'élus et de parents ayant perdus un enfant.

Le mur des cons révèle le sentiment d'impunité de certaines féodalités au sein de l’État, ce que l'on savait déjà à travers les innombrables scandales juridictionnel, sanitaire ou financier. Les juges n'ont rien à faire de la politique pénale de la nation, des émois de l'opinion, de l'exaspération des policiers ou de la détresse de la population. Ils suivent la doxa apprise sur les bancs de l'École Nationale de la Magistrature et les préjugés entretenus sous les lambris des ministères. Qui a eu affaire à la justice sait combien il vaut mieux jouer profil bas et appartenir à la lie de la société plutot qu'en ses cercles gagnants, surtout si on a le malheur d'être blanc, d'être un homme et un Français de souche immémoriale, sauf à faire allégeance politique au parti du Bien et à ses chiens de garde gauchistes maçonniques, confessionnels, antiracistes et communautarisants. 

L'égalitarisme à la française, dans un pays aliéné à l'héritage de 1793, mais qui n'a pas renier les bénéfices de la distinction d'Ancien Régime pour échapper au nivellement, c'est d'abord ça: la détestation du succès et la défense acharnée des privilèges, se vouloir vertueux et faire la morale: Tartuffe, Diafoirus et Trissotin en même temps !

2. Le renouveau d'une droite des valeurs

Face à l'ébranlement nouveau de la droite populaire, les pourfendeurs de l'Antiracisme et de l'Antifascisme crient, comme toujours, à la République en danger, mais la ficelle est trop usée. S'étiole le Surmoi de la gauche intellectuelle, ce prêt-à-penser distillé depuis plus d'un siècle consistant en un discours de démonisation de valeurs de droite fort honorables -la responsabilité individuelle, l'autorité légitime, les institutions structurantes, l'identité construite sur la tradition, l'ordre coercitif nécessaire aux libertés, la famille comme base de la société, l'Etat-nation comme communauté organique homogène, l'Etat-social garant de la cohésion collective. 

Ces valeurs paraissent d'autant plus menacées que le sentiment tenace nous taraude d'une désintégration, d'un effondrement, sous la pression d'une vulgate de gauche prônant l'égalité des conditions et des opinions, la haine des meilleurs, le refus des héritages, la solidarité sans limites et l'assistance sans fins, le libertarisme à tout prix, le relativisme des civilisations et l'éloge du métissage et du multiculturalisme à tout crin.

La droite a été réduite à un essentialisme régressif et infamant, résumé dans la chaîne sémantique suivante: monarchisme - bonapartisme - conservatisme - capitalisme - cléricalisme - colonialisme - populisme - racisme - antisémitisme - fascisme - et pour finir l’ultra-libéralisme, quand bien même la gauche eût initié ou partagé les croyances colonialistes, populistes, racistes ou fascistes. La droite a été renvoyée dans l'infâme pendant plus de cent ans, seule la droite populiste ayant eu le courage de relever le défi de l'honneur et des valeurs, en revêtant la tunique d'infamie, et à aller s'en prévaloir jusqu'à s'en faire un manteau d'apparat.

Paradoxalement c'est la soumission des élites de droite au Surmoi de gauche qui lui permit de conserver l'essentiel du pouvoir, en tenant la gauche à l'écart, sauf en de brefs moments d'autant plus magnifiés qu'ils furent furtifs ou finirent avec fracas, quand la gauche a eu à se confronter avec le réel et les conséquences dramatiques de ses actes. La droite ayant fait sienne l'idéologie de ses adversaires, ne laissa à la gauche que la rue et les tréteaux, mais aussi le le magistère des clercs et le monopole de la chaire, jusqu'à ce qu'un opportuniste venu du fascisme tel que François Mitterrand fasse concorder possession du pouvoir idéologique et conquête du pouvoir politique. 

Symboliquement, de l'affaire Dreyfus à l'affaire Cahusac, sur fond de Mariage pour tous et de scandale du Syndicat de la Magistrature, une longue parenthèse se referme au cours de laquelle la gauche pût se prévaloir d'être le parti du Bien, quand la droite elle même a accepté la vision diabolisée d'elle même et la honte d'être de droite, la devançant même, tel un Chirac foncièrement radical-socialiste. Le désaveux des années Mitterrand, et le retour brutal au réel pour la gauche cléricale et moralisante, n'auront pas suffi cependant au grand dévoilement, peut-être à cause de l'immobilisme chiraquien et de la supercherie sarkoziste qui suivirent. 

La crise mondiale de la démocratie libérale dont nous ne voyons pas la fin, se double d'une crise majeure du modèle français, de ses mythes et mensonges, et du déni de réalité par la gauche et par la droite de gouvernement. Il faut réhabiliter et approfondir le corpus des valeurs honorables de la droite française.

3. 2013: fin du déni - 2014: année de tous les combats

L'année 2012 aura vu le triomphe de la petite-bourgeoisie culturelle qui a porté François Hollande au pouvoir et nous assène, depuis 1968, son idéologie multiculturaliste, droit-de-l'hommiste et moralisatrice, ainsi que sa haine viscérale de la France, de son histoire, de sa culture, de ses habitants de souche. 

En 2013, les Français seront sortis du déni, en se libérant du surmoi qui pesait sur eux. Tout le prouve, de la chute de popularité de l'UMPS aux baisses d'audience des organes propagandistes, jusqu'à l'amorce d'une convergence entre laïcistes et croyants, modernistes et traditionnalistes, tous unis dans l'idée que "la continuité est un droit de l’homme, qu'elle est tout ce qui distingue de la bête" (Ortega y Gasset).

La réalité de l'effondrement productif du pays ne peut plus être niée quand ce ne sont plus seulement le chômage et les faillites mais la disparition du tissu industriel, le sous-emploi massif, la déroute du commerce extérieur et la chute des entrées fiscales qui hypothèquent l'avenir du pays.

Tout 2013 aura illustré notre effondrement identitaire, à l'étranger avec une diplomatie de gribouille et une capacité militaire affaissée, à l'intérieur avec la délinquance et les violences communautaires dans les banlieues immigrées, les mesures sociétales sur le mariage, la filiation, l'indifférenciation sexuelle, ou les rapports prônant la liquidation de ce qui reste de République unitaire, une vision expiatoire, communautariste et dés-intégrée.

La réalité de l'effondrement culturel n'est plus contestable à l'aune du désastre intellectuel dont nous ne mesurons encore tous les effets. Les classements PISA, la dévaluation des diplômes, la fuite des cerveaux, la daube cinématographique et littéraire ne sont rien comparés à ce qui vient: l'école méritocratique assignée à être la voiture-balai des élèves tarés, l'éloge de la fainéantise et de l'ignorance, la disparition des grands penseurs, l'incapacité à faire société, faute de connaissances et de valeurs partagées.

L'an 2013 aura été celui de la prise de conscience, du "déchirement du voile d'ignorance" (Rawls, Rosanvallon), 2014 sera l'année de tous les combats. 

Mais quels combats face à la partialité des médias, à la malhonnêteté des journalistes et l'usage partisan de l'Etat ? Que faire quand le système électoral est verrouillé, que le pacifisme bien élevé (Manif pour tous, Renaud Camus) est impuissant et que la radicalisation de Jour de colère, sans base populaire suffisante, se voit désavouée pour son extrémisme supposé ? La gauche reconnaît une légitimité aux manifestants s’ils émanent de ses propres rangs (apparatchiks syndicalistes et associatifs) ou renouent avec la mythologie révolutionnaire. La droite modérée a peur de la rue et finit par s'aplatir devant elle.

Il n'est de changements sans transgression, d'où de nouveaux combats à mener et des nouvelles méthodes à utiliser: le boycott  des institutions et des médias et la grève de l'impôt pour enlever sa légitimité au pouvoir, l’occupation de l’espace public, de type Veilleurs et Bonnets rouges, pour l'épuiser moralement, les opérations contre ses bastions en usant de la jurisprudence Dieudonné sur la dignité humaine et le trouble à l'ordre public.

4. Le populisme, syndrome de la démocratie malade

J'appartiens à une génération née dans les années soixante qui n'osa jamais se dire de droite, quoique mon milieu familial d'artisans et de travailleurs indépendants l'eût toujours été. Mon nom est si gaulois et mon apparence si fromage blanc qu'ils en sont désespérants dans le contexte ambiant, et mes aïeux de tous côtés sont des souchiens aussi loin que l'on puisse remonter. Je n'ai aucun quartier de noblesse d'immigrant ou de sang étranger à faire-valoir. Libéral et conservateur dans l'âme, j'aurais voté pour Marine Le Pen en 2012 si je m'en étais donné la peine, par exaspération et l'envie de donner un grand coup de pied dans la fourmilière.

En 2003, fatigué de l'atmosphère de guerre civile larvée qui régnait dans mon pays, de l'insécurité qu'on y ressentait, de la repentance mémorielle qui se généralisait, de l'irréalisme abstrait qui s'y complaisait et de l'immobilisme politique qui s'en nourrissait, je faisais le choix de partir au Canada, et en Allemagne. À présent, je ne remets plus les pieds en France même si je continue à y suivre les débats intellectuels. Le pays où je suis né m'exaspère et m'ennuie pour ne pas dire qu'il me révulse. 

Parti avec un visa de travail, je compris plus tard mon statut d’émigré. Cela n'était plus arrivé dans ma famille depuis trois-cent-cinquante ans quand des ancêtres huguenots trouvèrent refuge à l'étranger. Il me fallut longtemps pour comprendre que je vivais un exil idéologique à l'égard d'un pays qui renonçait à son art de vivre, son intelligence, ses bonnes manières, une nation qui perdait presque toutes ses guerres depuis cent-cinquante ans sans se remettre en question, et se gargarisait d'un reste de grandeur que des vainqueurs magnanimes, encore éblouis par sa gloire et sa culture, lui accordèrent en 1945.

Le peuple de gauche n'existe plus, ses rangs ont fondus pour aller grossir ceux du Front national, sauf à supposer qu'il reste quelque chose de populaire dans les cohortes de professeurs barbus, de gras fonctionnaires et de bourgeois bohèmes repus. Le peuple de droite, comme un beaujolais juste tiré, vient de montrer un visage inédit, jeune et frais, mais pour combien de temps ? Car là est son drame, et sa pesanteur héritée du monde paysan et artisan qui le composait: son retrait stoïque, sa calme dignité, son refus de l'engagement, son quant-à-soi silencieux, sauf en de brefs sursauts, parfois violents, que les vertueux taxent de populisme, forcément infâme et dangereux.

Je suis de ceux qui voient dans le populisme un syndrome et un symptôme, et même un principe salvateur. Loin d'être une maladie de la démocratie, le populisme est l'accès de fièvre régulateur dans un corps malade et fatigué, un thermomètre politique qu'il est imbécile de vouloir casser quand il ne fait que signaler une mise en branle populaire inédite pour rappeler à ceux qui nous dirigent des réalités qu'ils ne perçoivent plus. Les populismes posent les vraies questions sans apporter les bons remèdes. Depuis trente ans (Dreux, 1983), l'émergence puis la persistance d'un populisme virulent à droite témoigne de la gravité des maux qui affligent la France, et de leur approfondissement. Gageons que le peuple de droite continuera à montrer la bonne direction à des partis de gouvernement qui s'obstinent à marcher à l'aveugle, droit dans le mur, en accélérant tant que c'est possible.


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