mardi 16 janvier 2024

Comment les sociétalistes ont vendu la France aux communautaristes

(Articles parus dans Boulevard Voltaire en 2013 et 2014)

1. De la danse des canards à la marche des pingouins

Voir ces trois pelés dix tondus antiracistes battre le pavé parisien ou se réunir au Rond-Point rappelle cette danse des canards que l’on braillait lors des noces alcoolisées des années quatre-vingt, avec dandinement obligé du séant dans la foulée. Encore que ces défilés, où les beurs n’ont pas cru bon de se manifester, évoquassent, quant au ridicule, plutôt la marche de l’empereur, cet appel pavlovien des pingouins à revenir labourer l’endroit qui les a vu prospérer.

Justement, sur l’origine de la marche des beurs, en 1983, Julien Dray nous en apprend de belles : « il y avait une forte présence de militants de gauche désemparés par les désillusions de l'après-1981 et qui s'inquiétaient des percées du Front national", éclairant d’une lumière glauque le tintouin fait autours du film récemment sorti où Mister Debbouze officie. Les potes furent accueillis en héros à Paris. Bianco et Paulhan adoubèrent Désir et Dray, avec le succès que l'on sait ainsi que le poste de premier secrétaire trente ans plus tard pour l'un, et un avenir en or massif pour l'autre, s'il n'avait eu l’idée saugrenue de s’en mettre plein les fouilles avant qu’on ne le lui dise.

Loin d'être spontané et désintéressé, le mouvement fut instrumentalisé par le parti socialiste, après les résultats spectaculaires du FN à Dreux et les deux années catastrophiques de socialisme étatiste, lors du tournant d'une austérité non assumée, exactement comme aujourd’hui avec François Hollande. Avec l'intégration européenne comme nouvel horizon politique et le droit-de-l'hommisme antiraciste comme arme idéologique, la mitterrandie se reconstruisit une légitimité pour les dix années qui suivirent, la proportionnelle ayant vocation à affaiblir la droite modérée avant que l'arme ne s’avéra à doubles tranchants car le FN mordait déjà sur l’électorat populaire.

Des canards aux pingouins, la commémoration de la marche des beurs s'est transformée en défilé de soutien à Taubira. Ainsi avons-nous vu manifester beaucoup d’ultra-marins, le CRAN en soutien. La chose est d'autant plus drôle que nos domiens sont fort subventionnés par les métropolitains dont ils se plaignent, sans compter les multiples zones de non-droit qui pullulent là-bas et feraient pâlir de jalousie nos banlieusards à la sensibilité exacerbée. La paix sociale dans les confettis de l’empire est à ce prix, avec l'argent public dont on n’est pas avare, pour une économie de comptoir, comme aux bons temps des colonies. Jusqu’à la prochaine parodie de révolte indépendantiste.

Nos îliens et guyanais ne s'en offusquent pas, au contraire. C'est du reste ainsi que Taubira, de militante indépendantiste revendiquée, inquiète de l’ethnicide subi par la petite bourgeoisie créole dont sa famille est issue en raison de l’immigration incontrôlée submergeant la Guyane, se laissa amollir par les yeux mouillés de Marianne aux bonnes fins de la servir. Depuis lors, la dame ne cesse de célébrer la France, enfin sa France bien à elle, débarrassée des hommes blancs hétérosexuels qui l’ont bâtie. Tous ses combats ne servent qu’à ça: rendre gorge à ce vieil ennemi et le remplacer par une France aussi métissée qu'elle, généreuse avec l’argent qu’elle n’a pas, ouverte à tous les vents mauvais de la tabula rasa, tout ça avec le bagout des arracheurs de dents. La République a été bonne fille avec Mme Taubira. La France compassionnelle se vend au moins offrant. Une génuflexion lui suffit.

Avec la récupération de la marche des beurs, on a vu la première étape du processus machiavélique concocté par les socialistes pour vendre la France aux communautaristes. D’autres jalons suivront.

2. De l’Idéologie française de BHL aux lois mémorielles à la Gayssot

La marche des beurs de 1983 a inauguré le processus qui a remplacé le modèle républicain assimilateur par son opposé communautarien, celui qui nous éclate à la figure aujourd’hui.

Le terrain était fertile. Mai 68 était passé par là. Des trotskystes Cambadelis et Weber aux droits-de-l’hommiste Kouchner et Coluche jusqu’aux potes Dray et Désir, ils détestaient tout ce que la France rance ou moisie incarnait. L’Idéologie française (1981) de BHL, peinture d’une France ad nauseam pétainiste et ad aeternam réactionnaire aura été leur bréviaire, leur petit livre des indignés, avant d'être remplacé par le Indignez-vous ! de Stéphane Hessel. 

Pour eux, l’État-nation relevait désormais des poubelles de l’histoire et l’identité nationale apparaissait comme une incongruité dans la société multiculturelle ouverte et sans frontières, faite de communautés juxtaposées, ou de nationalités comme on l'entendait  du temps des empires au 19e siècle, le processus d’intégration dans cet empire du mou qu'est l'Union européenne étant là pour le prouver. La deuxième gauche, libérale ou américaine, en lutte pour l’hégémonie face à la première gauche marxiste, ou socialo-communiste comme on disait naguère, leur fit bon accueil, Jospin et Strauss-Kahn en tête. L’antiracisme et l’humanitarisme devinrent le viatique de nos sociétalistes et la lutte contre le Front national leur fond de commerce, aussi affluent que prospère. Marcel Gauchet les avait pourtant mis en garde –les droits de l’homme ne sont pas une politique (1980).

Au moment d’accéder au pouvoir et à ses sinécures (la MNEF et les autres lieux de la corruption morale et financière de la gauche), cette génération eut le renfort de la sociologie d’Alain Touraine (le père de la ministre) en célébrant l’action sociale, et les communautés d'appartenance comme acteurs du progrès par les désordres sociaux. La France raciste (1992) de Wievorka fut leur ignomineux petit livre rouge, les grèves de décembre 1995 leur haut fait d'armes et le Nobel à Médecins sans frontières en 1999 leur consécration. L’acmé symbolique de leur triomphe vint plus tard en 2007 avec les épousailles grandioses au Cirque d’hiver entre Henri Weber l’ex-gauchiste fabiusien, symbole des intellectuels juifs de gauche et Fabienne Servan-Schreiber, héritière d'une famille de la grande bourgeoisie de la droite libérale.

C’est sur le terrain juridictionnel que le communautarisme a fait le plus de dégâts. La loi Gayssot de 1990 punissant l'antisémitisme et le négationnisme aura été la mère de toutes les lois mémorielles, en criminalisant les opinions non conformes, en instaurant une police de la pensée, en scrutant les coeurs et les âmes et en dictant aux historiens ce qu’ils devaient penser. Chaque communauté aura sa loi, la palme allant à la loi Taubira de 2001 sur la traite transatlantique qualifiée de « crime contre l’humanité », en omettant soigneusement les traites intra-africaines et celles vers le Moyen-Orient pour ne pas désespérer Trappe et agacer la Courneuve. La loi sur le Mariage pour tous aura consacré aussi, à sa manière, un autre droit minoritaire, celui du communautarisme homosexuel.

Plus la loi réprime l’expression des opinions et plus la parole a besoin de se lâcher. Plus la parole libre est censurée et plus la violence brute et sans fards a besoin de s'exprimer. Nos édiles ne savent plus rien de la catharsis oratoire. À force de sacralisation, vient la tentation de la profanation. Aucun autre pays que la France ne possède autant de lois punissant l’incitation à la haine, aucuns autres n’a cet arsenal d’associations subventionnées destinées à acter en justice et dans aucuns autres les haines interraciales, interethniques et interreligieuses ne se donnent plus libre cours.

Les mesures de discrimination positive, la Politique de la ville et pour finir l’argent du Qatar, en arrosant les gens de la famille, nous ont fait passer au modèle communautariste plein et entier.

3. De l’amour des cités à l’âge du fier communautarisé

En 2005 les émeutiers des banlieues ont pesé sur notre mauvaise conscience au-delà de toutes espérances. Ils ont braillé très fort et brûlé leur quota d’écoles et joué à la bataille de Poitiers inversé, grâce à quoi les Français apeurés, ces branques de petis blancs, ces batbous fragiles en sont venus à leur manger dans la pogne. Nos cités en feu furent pour la France ce que Chicago avait été pour les États-Unis en 1969: le déclenchement d'une guerre ethnique qui ne finira jamais, inédite jusque là chez nous.

D’aucuns affirmèrent que le modèle assimilateur français, efficace pour transformer en bons Français les Italiens misérables du Mezziogiorno, les Russes blancs exilés d’URSS, les juifs ashkénazes persécutés en Pologne ou les républicains espagnols chassés par Franco ne marchait plus et que le multiculturalisme devait le remplacer. Au moment où les Néerlandais en revenaient, ou que le Québec s’interrogeait sur ses propres accommodements déraisonnables. En 2005, l’avis de décès du modèle républicain était signé, après vingt ans de déconstruction et de démolition à coups de discrimination positive, de politique de la Ville et d’argent de l’étranger.

Dès la fin des années 80, la gauche culturelle s'amourache des cités. Sur fond d’affaire du voile à Creil, de rodéos urbains et du rap d’AIM et de NTM, quelque chose survient, comme l’ouverture d’un nouveau front révolutionnaire pour les orphelins du grand soir. De Roland Castro (Banlieues 89) à Françoise Castro (Mme Fabius à la ville), de Mathieu Kassowitz (La Haine) à Jack Lang et Pierre Bergé, les banlieues se parent de l’étrangeté suave des territoires ensauvagés, d'un "romantisme pour autrui" (Finkielkraut) qui donne le frisson aux beaux quartiers. Le Big Other (Jean Raspail, Patrick Buison) est né.

Les Tapie, Bartolone et Borloo activent la pompe à fric et le canon à subventions du ministère de la Ville pour acheter la paix sociale. À la République des droits égaux pour tous, et à son école, méritocratique et élitiste, se substitue le multiculturalisme prônant l’égalité des conditions, la lutte contre l’exclusion, la promotion de la diversité et la chasse aux discriminations: la droite et son zonage fiscal, ses niches du même nom et ses rénovations urbaines, la gauche et ses préférences ethnico-raciales pour tout ce qui n’est pas blanc, ses mesures de bonifications (ZEP, ZSP) pour ceux qui seront amenés à voter pour elle, et ses personnalités « issues de la diversité » fort contestées.

In fine une puissance étrangère s’invite auprès de populations dont on reconnait implicitement qu'elles obéiraient mieux à des Arabes. Le ministre Lamy préside les groupes d’amitiés avec la Bosnie-Herzégovine, le Maroc et le Qatar. Après les imams d'Algérie et d'Arabie, l’argent qatari soufflera sur les braises du salafisme au moment venu. Taspé préférée des tournantes, les jambes écartelées et le cul cabossé, la France n’en peut plus de se faire défoncer.

4. Quand notre République bananière achète la paix sociale

Il y tombe des milliards comme s'il en pleuvait. Depuis trente ans qu'on les arrose ces banlieues, il devrait y pousser des champs de roses, pour ne pas dire le jardin des Milles-et-une-nuits. Après Hollande, à La Courneuve, c'est au tour de son premier sous-fifre Manuel Valls et du gouvernement quasi complet, d'aller leur offrir leurs hommages, aux Mureaux. Et rien pour la France périurbaine, celle qui souffre véritablement, mais n'abrite que des Français terriblement de souche !

On les qualifie de difficiles où de sensibles les territoires perdus de la République, et par extension les « jeunes » qui les habitent, par euphémisation et par déni, pour ne pas dire immigrés, délinquants, trafiquants et Français de papier. La novlangue a fini de les déclarer "fragiles" comme de petites choses vulnérables qu'il faudrait protéger.

Ils en rigolent bien les Farid, les Rachid, les Nahel. La racaille et les truands qui font la loi dans les zones de non droit ne respectent que la force et se moquent d'une police et d'une justice désarmées, au propre comme au figuré. Comme on le voit à Calais, à Moirans, à Montargis. Nos conquérants savent user dans les médias, de la panoplie du fragile: jérémiades, victimisation et misérabilisme. Ils ont intégré les codes de la société du spectacle à la sauce humanitaire. La gauche de patronage, saint-sulpicienne ou islamo-gauchiste, n'a cessé de se fourvoyer entre sociologie de la domination et postures victimaires.

Il faut le crier haut et fort, il n'y a plus de République, ni de principes républicains, ni rien qui ressemblât à quelque chose de français en ces territoires ! La France en a été chassée, et les Français aussi. Depuis que l'égalité des droits et l'égalité devant la loi, fondement de notre République, ont plié devant les lubies multiculturelles, la discrimination positive ou la lâcheté des édiles: ZEP, ZUP, DIV, ZFU, ZRU, ZUS, CUCS, grands frères, adultes relais, sous-préfets à la Ville, l'inventivité technocratique des mesures de la « politique de la Ville » atteste de son échec même.

Pire, pendant des années, sous couvert d’actions sociale, par le biais des subventions aux associations, la politique de la Ville a financé, en toutes bonne conscience et naturellement en violation flagrante des règles de neutralité et de laïcité de l’État, la promotion de l’islam, et même d’un islam ethnique et souvent d’un islam radical, les associations culturelles musulmanes étant le plus souvent le faux nez d’entreprises à vocation cultuelle pour gérer un lieu de culte ou payer un imam.

Dans les systèmes claniques, le vassal rend hommage au plus puissant. Merkel s'est rendue en Turquie comme à Canossa, la bourse pleine, pour qu'Erdogan retienne un peu, juste un peu, le flot des migrants. Hollande joue du Rafale et du Mistral perdant en Arabie. Sarkozy a offert au Qatar quelques-uns de nos bijoux nationaux et le droit de financer tout ce qu'il veut dans notre beau pays, l'islam radical compris. Et notre gouvernement pénitent va faire amende honorable dans les banlieues fragiles pour y déverser les mannes de la générosité nationale prélevée sur le travail des petits blancs.

5. L’increvable Jack Lang et les bons comptes de l’Arabie heureuse

C’est un mélange de commisération amusée et de déplaisir agacé que suscitent les vieilles gloires un peu passées. Prenez Jack Lang qui n’a jamais lâché les planches et le crachoir. Trente ans à arpenter les allées du pouvoir et à se faire mousser sur les plateaux TV, le brushing impeccable, la peau tannée, les chemises roses et les costumes bleutés de grand couturier. Le détenteur du ministère de la Beauté et de l’Intelligence, le précieux ridicule de la mitterrandie triomphante fut de tous les excès du socialisme princier et l’apôtre infatigable de tous les communautarismes.

À 73 ans, il pourrait profiter d’une retraite méritée, avec Monique, sa chère et tendre, et bien non, l’increvable Lang préside encore et toujours l’Institut du monde arabe. L’endroit a vu Baudis et Muselier se succéder, alors ça questionne évidemment, d’autant que l’impétrant veut de l’argent, 10 000 euros mensuel, nous apprend Jeune Afrique. Il a des frais de toilettes forcément, et puis être logé place des Vosges suscite des dépenses, vous pensez !

La gauche culturelle, orpheline des grands soirs révolutionnaires qui lui donnent le frisson et la font se pâmer d'aise, a mis son dévolu sur les banlieues que l'on disait arabes et non pas encore musulmanes à partir du milieu des années 80. Les immigrés deviennent les nouveaux damnés de la terre pour les socialistes au pouvoir qui veulent faire oublier leur tournant libéral de 1983. Jack célèbre les arts de la rue, les graffitis et les tambours du Bronx. Il adore les architectes. C’est un ministre bâtisseur, très florentin sur les bords, comme son maître Mitterrand, le Prince machiavélien. En 1987, il fête son apothéose avec 30 ans d'avance quand l’Institut du monde arabe est érigé en bord de Seine pour défier les tours de Notre-Dame. Quelques égorgements de Chrétiens et Notre Dame en feu plus tard, n’était-ce pas visionnaire !?

Avant les équipées sanglantes du GIA, de Fofana et de Merah, l’islam s’orne d’exotisme culturel pour les enfants d’Isaac venus d’Europe centrale, pris de tendresse pour les cousins issus d’Ismaël, séduits par la tolérance supposée aux mœurs dépravées vantées par les Fromentin, Gide, Colette, Loti, frères Tharaud et autres Anaïs Nin, en partageant le ressentiment rétro-colonial contre une France catholique trop conservatrice à leur gré. De Pierre Bergé à Frédéric Mitterrand, ou de Jack Lang à Douste Blazy, on fête l’Arabie heureuse, les nuits du ramadan et les douceurs équivoques de Marrakech. 

Notre ministre astral est revenu là où il a commencé. Depuis la faillite de 2008, c'est toi lecteur-contribuable qui finance l’Institut du monde arabe, et les émoluments de Mister Lang.

6. L’invention du vivre-ensemble et ses ratés récurrents

Les socialistes (à Dreux, en 1983, par la voix de Françoise Gaspard face au FN Jean-Pierre Stirbois) et l'officine Terra-nova ont inventé le mythe du vivre-ensemble pour nous obliger à aimer notre prochain très lointain plutôt que nos voisins, en nous donnant comme modèle l'entente supposée entre juifs et arabes dans les pays musulmans, avant la colonisation européenne, dans ce rêve irénique de convivencia sans les Chrétiens, à la façon que Gotthold Ephraim Lessing avait présenté les choses dans Nathan le Sage.

Si une coexistence pacifique avait été possible entre Isaac et Ismaël au cours de l'Histoire, rien n'interdisait de la reproduire dans nos banlieues si le Français xénophobe (et chrétien), que l'on n'appelait encore pas de souche, s'y voyait contraint. Tel a été le postulat d'une intelligentsia de gauche célébrant un Âge d'or judéo-arabe tolérant et aux mœurs douces et faciles, rejointe par la droite Algérie française enkystée dans son rêve nostalgique de Sahara et d’une nation de 100 millions d’habitants (Chirac, Giscard, Debré).

Le mythe a été élaboré à la marche des beurs, récupérée par SOS Racisme, avec son célèbre sigle, fait de la main de Fatima et du jaune de l'étoile juive, "une captation de l'antiracisme par les feujs " (Zemmour).

Le film l'Union sacrée (1989) d'Alexandre Arcady, avec Richard Berry et Patrick Bruel, sur une musique de Goldmann, a illustré d'une autre manière cette captation d'héritage.

La banlieue et ses habitants se parent alors de romantisme rebelle pour une gauche orpheline d'utopie révolutionnaire. L'institut du monde arabe est érigé sur la Seine, comme un défi aux tours de Notre-Dame.

La politique de la Ville et sa discrimination positive, contraire aux principes d'égalité, d'unicité et d'indivisibilité et à l'assimilation républicaine, et la politique du logement et sa mixité ethnico-religieuse, imposée aux petits blancs, explorèrent toutes les possibilités du vivre-ensemble.

L'année dernière à Sarcelles, dont DSK fut député-maire et sur laquelle Michel Wieworka, le grand expert de la France raciste et antisémite, et le héraut de l’anti-France vendue à l'étranger, posa son regard équivoque et partisan, on a vu ce qu'il en était vraiment quand les émeutiers pro-palestiniens incendièrent des magasins aux cris de "mort aux juifs". Tous les homicides antisémites en France depuis 1945 ont été commis par des arabo-musulmans.

La revue Le Débat, dans son numéro de nov-déc 2014, sous la plume de Georges Bensoussan, a déboulonné le mythe du vivre-ensemble. Au Maghreb ou au Moyen-Orient, la puissance coloniale retirée, les quartiers juifs se sont vidés. Le touriste qui se rend à Essaouira au Maroc constatera de lui-même que le mellah est vide et tombe en ruines.

Le CRIF par la voix de Cukierman remerciant Valls de ses dernières largesses à 100 millions d'euros n'en continue pas moins de nous bassiner avec le vivre-ensemble conçu pour culpabiliser les Français. Nagui et Richard Berry qui s’écharpent en ce moment nous en rappellent bien à propos la fumisterie.

7. Des p’tits beurs de Terra nova au chiffon rouge Taubira

« Je pense qu’elle a été choisie parce que sa couleur pourrait servir de bouclier quand elle aurait à proposer des choses inacceptables ». De l’art indélicat, mais juste, de Jean-Marie à mettre les pieds dans les acras : Taubira agitée comme une muléta devant l’infâme à tête de taureau, et les réformes sociétales pour enfumer le populo, lui donner un os à ronger par un Hollande plus vicelard que l’on croyait.

Duflot a dénoncé la dégueulasserie du centaure, mais n'a trouvé rien à redire à un Éric Zemmour qui a fait de Taubira un portrait similaire, ajoutant à la charge en incompétence, pour faire bonne mesure, les jolis minois de Yade et de Dati. La mère Thénardier de l’écologie a des indignations sélectives, mais le sens de ses intérêts électoraux.

Le dernier étage de la fusée communautariste du multiculturalisme français fut conçu par Terra Nova, là où nos maîtres à penser socialistes, héritiers de la fondation Saint-Simon, donnent la réplique à leurs compères du Siècle. La chimère d’une France black-blanc-beur est devenue leur machine de guerre électorale, en jouant les beurs et les renois contre les p´tits blancs, puis les feujs et les musulmans contre la France catholique coupable de tous les maux, dixit Vincent Peillon, attisant ainsi les braises communautaires. Nous avons échappé au vote des étrangers mais pour combien de temps ? Ils bénéficient déjà des droits du pote et du citoyen et de notre sollicitude invétérée.

Les énarques, ceux de Terra Nova compris, naguère commis à servir l'Etat et à la défense de l’unité nationale sont passés avec armes et bagages au multiculturalisme. Un signe qui ne trompe pas, le nom des promotions de l'ENA: autrefois, des héros nationaux et l’inscription des principes républicains, depuis quinze ans, une caverne d'Ali Baba où Michel Debré ne retrouverait pas ses bébés: éloge de l’Islam soit-disant tolérant d’Averroès, célébration de chefs d'Etat étrangers (Senghor, Mandela mais sans de Klerk, trop blanc et trop batave alors que c'est lui qui mit fin à l’apartheid, Willy Brandt et pas Adenauer) et béatification des vivants (Badinter, Veil).

Dans les décisions de la mairie de Paris pour débaptiser et rebaptiser les rues de Paris, on voit les mêmes choix sectaires et partisans. Quand quelqu’un de très à droite, sioniste invétéré, faucon du Likoud, se voit honorer par les édiles pro-palestiniennes de Delanoé et Hidalgo, il y a forcément anguille sous roche: Isaac Rabin a son jardin à Paris tout simplement parce qu’il est mort sous les balles de quelqu’un de plus à droite que lui. Comme ce n’est ni l’intelligence ni la culture qui les anime, la seule cohérence que l’on peut trouver aux apparatchiks du parti socialiste est leur lutte à mort et sans merci contre la droite. Dutilleux et Michel Déon furent les derniers en date à en avoir fait les frais imbéciles post-mortem.

On atteint le sommet de l'hystérie furieuse et de l'universalisme assassin, quand le ministre des Affaires étrangères fait le panégyrique du général Giap, le boucher de Dien Bien Phu, et quand Hollande pleure Madiba et met les drapeaux en berne, et que les médias se taisent sur l’échec de la nation arc-en-ciel, sur la corruption effrénée de l’ANC, sur le séparatisme de l’après l’apartheid, sur les tueries d'Afrikaners comme solution de moindre mal entre des communautés qui ne peuvent pas vivre ensemble. Que vont-ils nous inventer à la disparition de Robert Mugabe, un super méchoui de fermiers blancs, halal bien entendu ? Si tout cela n'était si triste, on s'en taperait sur le ventre.

Avec Dati et Taubira, on voit où le pays aura sombré. La fonction de garde des Sceaux, la plus symbolique qui soit, car en charge de la signature de l'Etat, a été confiée à des personnes qui ne la méritaient pas, pour une fonction d’affichage, pour leur capacité à diviser l’opposition et à cliver le pays.

La volonté délibérée de casser la France se nomme une forfaiture, pour ne pas dire une trahison. Le machiavélisme hollandien aura permis de resserrer les rangs d’une gauche agonisante, via le battage du Taubirathon, au risque de faire de l’antiracisme une guerre de religion et de mettre le pays à feu et à sang.

Un peuple de droite en marche !

(Quatre textes parus dans Boulevard Voltaire en juin 2013)


1. État partisan: le dévoilement

Enfin ! Avec les Manifs pour tous, le peuple de droite s'est réveillé en s'appropriant les formes de l'insoumission citoyenne, de l'humour et du légalisme républicain, donnant un coup de vieux à une gauche enfermée dans son relativisme et son communautarisme, confite de repentances mémorielles, retranchée dans son misérabilisme saint-sulpicien, occupée à satisfaire tel ou tel groupe de pression, une gauche ringarde dont l'archaïsme bloque les réformes radicales dont la France a besoin. 

L'épisode du mariage pour tous en a rajouté une couche dans le grotesque de nos petits-bourgeois sociatélistes: les familles accusées d'homophobie parce que défendant dans le mariage une structure anthropologique de l'altérité sexuelle et de la filiation, s'insurgeant que l'on aille ébranler ses fondements symboliques, autant pour détourner l'attention des problèmes de l'heure que pour satisfaire une faction ultra-minoritaire et paria qui se prend à rêver de respectabilité sociale et de mariage en blanc. 

Si ce n'était si lamentable, dans leur tombe, Wilde, Gide ou Cocteau, Genêt, Colette ou Trenet, et même Yourcenar, Mauriac et Aragon s'en étoufferaient de fou-rire, à se dire que la grande littérature écrite par des homosexuels, et les arts inspirés par eux, ont disparus quand l'homosexualité est devenu visible et qu'elle s'exhibe sans pudeur sur les médias et dans la rue.

Avec l'affaire du Syndicat de la Magistrature et la chasse ouverte aux cons de droite, un nouveau volet apparaît du grand dévoilement idéologique, après que, depuis un an, nous avons vu le gouvernement faire la chasse aux riches (les 75 % de taxation patriotique et Bernard Arnaud / Gérard Depardieu qualifiés de "minables"), aux entreprenants (les pigeons devenus voyageurs), aux patrons (toujours fraudeurs et voyous), aux multinationales (vendues au grand capital anglo-saxon), et pour finir la chasse aux méchants Allemands (trop compétitifs et dominants, et incurablement meilleurs que les Français).

Nous savions l'État arbitraire, injuste et incohérent, bien trop souvent. La preuve est apportée que la justice elle-même a ses partis-pris. Car ce n'est pas tant que des juges appartenant au syndicat majoritaire de la profession expriment leurs opinions en public (encore que, quid de ce devoir de réserve dont l’administration nous bassine constamment ?) qui choque mais l'absence de retenue et la forme insultante et infâme vis-à-vis d'élus et de parents ayant perdus un enfant.

Le mur des cons révèle le sentiment d'impunité de certaines féodalités au sein de l’État, ce que l'on savait déjà à travers les innombrables scandales juridictionnel, sanitaire ou financier. Les juges n'ont rien à faire de la politique pénale de la nation, des émois de l'opinion, de l'exaspération des policiers ou de la détresse de la population. Ils suivent la doxa apprise sur les bancs de l'École Nationale de la Magistrature et les préjugés entretenus sous les lambris des ministères. Qui a eu affaire à la justice sait combien il vaut mieux jouer profil bas et appartenir à la lie de la société plutot qu'en ses cercles gagnants, surtout si on a le malheur d'être blanc, d'être un homme et un Français de souche immémoriale, sauf à faire allégeance politique au parti du Bien et à ses chiens de garde gauchistes maçonniques, confessionnels, antiracistes et communautarisants. 

L'égalitarisme à la française, dans un pays aliéné à l'héritage de 1793, mais qui n'a pas renier les bénéfices de la distinction d'Ancien Régime pour échapper au nivellement, c'est d'abord ça: la détestation du succès et la défense acharnée des privilèges, se vouloir vertueux et faire la morale: Tartuffe, Diafoirus et Trissotin en même temps !

2. Le renouveau d'une droite des valeurs

Face à l'ébranlement nouveau de la droite populaire, les pourfendeurs de l'Antiracisme et de l'Antifascisme crient, comme toujours, à la République en danger, mais la ficelle est trop usée. S'étiole le Surmoi de la gauche intellectuelle, ce prêt-à-penser distillé depuis plus d'un siècle consistant en un discours de démonisation de valeurs de droite fort honorables -la responsabilité individuelle, l'autorité légitime, les institutions structurantes, l'identité construite sur la tradition, l'ordre coercitif nécessaire aux libertés, la famille comme base de la société, l'Etat-nation comme communauté organique homogène, l'Etat-social garant de la cohésion collective. 

Ces valeurs paraissent d'autant plus menacées que le sentiment tenace nous taraude d'une désintégration, d'un effondrement, sous la pression d'une vulgate de gauche prônant l'égalité des conditions et des opinions, la haine des meilleurs, le refus des héritages, la solidarité sans limites et l'assistance sans fins, le libertarisme à tout prix, le relativisme des civilisations et l'éloge du métissage et du multiculturalisme à tout crin.

La droite a été réduite à un essentialisme régressif et infamant, résumé dans la chaîne sémantique suivante: monarchisme - bonapartisme - conservatisme - capitalisme - cléricalisme - colonialisme - populisme - racisme - antisémitisme - fascisme - et pour finir l’ultra-libéralisme, quand bien même la gauche eût initié ou partagé les croyances colonialistes, populistes, racistes ou fascistes. La droite a été renvoyée dans l'infâme pendant plus de cent ans, seule la droite populiste ayant eu le courage de relever le défi de l'honneur et des valeurs, en revêtant la tunique d'infamie, et à aller s'en prévaloir jusqu'à s'en faire un manteau d'apparat.

Paradoxalement c'est la soumission des élites de droite au Surmoi de gauche qui lui permit de conserver l'essentiel du pouvoir, en tenant la gauche à l'écart, sauf en de brefs moments d'autant plus magnifiés qu'ils furent furtifs ou finirent avec fracas, quand la gauche a eu à se confronter avec le réel et les conséquences dramatiques de ses actes. La droite ayant fait sienne l'idéologie de ses adversaires, ne laissa à la gauche que la rue et les tréteaux, mais aussi le le magistère des clercs et le monopole de la chaire, jusqu'à ce qu'un opportuniste venu du fascisme tel que François Mitterrand fasse concorder possession du pouvoir idéologique et conquête du pouvoir politique. 

Symboliquement, de l'affaire Dreyfus à l'affaire Cahusac, sur fond de Mariage pour tous et de scandale du Syndicat de la Magistrature, une longue parenthèse se referme au cours de laquelle la gauche pût se prévaloir d'être le parti du Bien, quand la droite elle même a accepté la vision diabolisée d'elle même et la honte d'être de droite, la devançant même, tel un Chirac foncièrement radical-socialiste. Le désaveux des années Mitterrand, et le retour brutal au réel pour la gauche cléricale et moralisante, n'auront pas suffi cependant au grand dévoilement, peut-être à cause de l'immobilisme chiraquien et de la supercherie sarkoziste qui suivirent. 

La crise mondiale de la démocratie libérale dont nous ne voyons pas la fin, se double d'une crise majeure du modèle français, de ses mythes et mensonges, et du déni de réalité par la gauche et par la droite de gouvernement. Il faut réhabiliter et approfondir le corpus des valeurs honorables de la droite française.

3. 2013: fin du déni - 2014: année de tous les combats

L'année 2012 aura vu le triomphe de la petite-bourgeoisie culturelle qui a porté François Hollande au pouvoir et nous assène, depuis 1968, son idéologie multiculturaliste, droit-de-l'hommiste et moralisatrice, ainsi que sa haine viscérale de la France, de son histoire, de sa culture, de ses habitants de souche. 

En 2013, les Français seront sortis du déni, en se libérant du surmoi qui pesait sur eux. Tout le prouve, de la chute de popularité de l'UMPS aux baisses d'audience des organes propagandistes, jusqu'à l'amorce d'une convergence entre laïcistes et croyants, modernistes et traditionnalistes, tous unis dans l'idée que "la continuité est un droit de l’homme, qu'elle est tout ce qui distingue de la bête" (Ortega y Gasset).

La réalité de l'effondrement productif du pays ne peut plus être niée quand ce ne sont plus seulement le chômage et les faillites mais la disparition du tissu industriel, le sous-emploi massif, la déroute du commerce extérieur et la chute des entrées fiscales qui hypothèquent l'avenir du pays.

Tout 2013 aura illustré notre effondrement identitaire, à l'étranger avec une diplomatie de gribouille et une capacité militaire affaissée, à l'intérieur avec la délinquance et les violences communautaires dans les banlieues immigrées, les mesures sociétales sur le mariage, la filiation, l'indifférenciation sexuelle, ou les rapports prônant la liquidation de ce qui reste de République unitaire, une vision expiatoire, communautariste et dés-intégrée.

La réalité de l'effondrement culturel n'est plus contestable à l'aune du désastre intellectuel dont nous ne mesurons encore tous les effets. Les classements PISA, la dévaluation des diplômes, la fuite des cerveaux, la daube cinématographique et littéraire ne sont rien comparés à ce qui vient: l'école méritocratique assignée à être la voiture-balai des élèves tarés, l'éloge de la fainéantise et de l'ignorance, la disparition des grands penseurs, l'incapacité à faire société, faute de connaissances et de valeurs partagées.

L'an 2013 aura été celui de la prise de conscience, du "déchirement du voile d'ignorance" (Rawls, Rosanvallon), 2014 sera l'année de tous les combats. 

Mais quels combats face à la partialité des médias, à la malhonnêteté des journalistes et l'usage partisan de l'Etat ? Que faire quand le système électoral est verrouillé, que le pacifisme bien élevé (Manif pour tous, Renaud Camus) est impuissant et que la radicalisation de Jour de colère, sans base populaire suffisante, se voit désavouée pour son extrémisme supposé ? La gauche reconnaît une légitimité aux manifestants s’ils émanent de ses propres rangs (apparatchiks syndicalistes et associatifs) ou renouent avec la mythologie révolutionnaire. La droite modérée a peur de la rue et finit par s'aplatir devant elle.

Il n'est de changements sans transgression, d'où de nouveaux combats à mener et des nouvelles méthodes à utiliser: le boycott  des institutions et des médias et la grève de l'impôt pour enlever sa légitimité au pouvoir, l’occupation de l’espace public, de type Veilleurs et Bonnets rouges, pour l'épuiser moralement, les opérations contre ses bastions en usant de la jurisprudence Dieudonné sur la dignité humaine et le trouble à l'ordre public.

4. Le populisme, syndrome de la démocratie malade

J'appartiens à une génération née dans les années soixante qui n'osa jamais se dire de droite, quoique mon milieu familial d'artisans et de travailleurs indépendants l'eût toujours été. Mon nom est si gaulois et mon apparence si fromage blanc qu'ils en sont désespérants dans le contexte ambiant, et mes aïeux de tous côtés sont des souchiens aussi loin que l'on puisse remonter. Je n'ai aucun quartier de noblesse d'immigrant ou de sang étranger à faire-valoir. Libéral et conservateur dans l'âme, j'aurais voté pour Marine Le Pen en 2012 si je m'en étais donné la peine, par exaspération et l'envie de donner un grand coup de pied dans la fourmilière.

En 2003, fatigué de l'atmosphère de guerre civile larvée qui régnait dans mon pays, de l'insécurité qu'on y ressentait, de la repentance mémorielle qui se généralisait, de l'irréalisme abstrait qui s'y complaisait et de l'immobilisme politique qui s'en nourrissait, je faisais le choix de partir au Canada, et en Allemagne. À présent, je ne remets plus les pieds en France même si je continue à y suivre les débats intellectuels. Le pays où je suis né m'exaspère et m'ennuie pour ne pas dire qu'il me révulse. 

Parti avec un visa de travail, je compris plus tard mon statut d’émigré. Cela n'était plus arrivé dans ma famille depuis trois-cent-cinquante ans quand des ancêtres huguenots trouvèrent refuge à l'étranger. Il me fallut longtemps pour comprendre que je vivais un exil idéologique à l'égard d'un pays qui renonçait à son art de vivre, son intelligence, ses bonnes manières, une nation qui perdait presque toutes ses guerres depuis cent-cinquante ans sans se remettre en question, et se gargarisait d'un reste de grandeur que des vainqueurs magnanimes, encore éblouis par sa gloire et sa culture, lui accordèrent en 1945.

Le peuple de gauche n'existe plus, ses rangs ont fondus pour aller grossir ceux du Front national, sauf à supposer qu'il reste quelque chose de populaire dans les cohortes de professeurs barbus, de gras fonctionnaires et de bourgeois bohèmes repus. Le peuple de droite, comme un beaujolais juste tiré, vient de montrer un visage inédit, jeune et frais, mais pour combien de temps ? Car là est son drame, et sa pesanteur héritée du monde paysan et artisan qui le composait: son retrait stoïque, sa calme dignité, son refus de l'engagement, son quant-à-soi silencieux, sauf en de brefs sursauts, parfois violents, que les vertueux taxent de populisme, forcément infâme et dangereux.

Je suis de ceux qui voient dans le populisme un syndrome et un symptôme, et même un principe salvateur. Loin d'être une maladie de la démocratie, le populisme est l'accès de fièvre régulateur dans un corps malade et fatigué, un thermomètre politique qu'il est imbécile de vouloir casser quand il ne fait que signaler une mise en branle populaire inédite pour rappeler à ceux qui nous dirigent des réalités qu'ils ne perçoivent plus. Les populismes posent les vraies questions sans apporter les bons remèdes. Depuis trente ans (Dreux, 1983), l'émergence puis la persistance d'un populisme virulent à droite témoigne de la gravité des maux qui affligent la France, et de leur approfondissement. Gageons que le peuple de droite continuera à montrer la bonne direction à des partis de gouvernement qui s'obstinent à marcher à l'aveugle, droit dans le mur, en accélérant tant que c'est possible.


lundi 30 novembre 2020

L’État post-national canadien

I. Le trudeauisme: révisionnisme historique et société de marché


Les Canadiens ont profité, le 30 septembre 2018, d'un nouveau jour férié : ils ont fêté "la journée nationale de la vérité et de la réconciliation". Bigre une journée "de la vérité", ça sonne un peu comme le ministère de la Vérité d'Orwell ! Marchez au pas cadencé et pas de contestation autorisée ! On ferme sa bouche car la vérité sort de la bouche de Justin Trudeau Premier ! Le récent sommet du G7 à Charlevoix au Québec a donné l’occasion au Premier ministre canadien de se distinguer sur la scène internationale par le biais d’un procédé peu élégant et diplomatiquement suicidaire consistant à torpiller l’accord de résolution commune qui venait d’être arraché de haute lutte au Président de la première puissance mondiale. Jamais de mémoire de diplomate on n’avait entendu un tel échange de noms d’oiseaux !
L’année 2017 n’avait pas été très bonne pour Justin Trudeau. Il n’est pas sûr que 2018 fût meilleure même si le Canada qui est par excellence le pays de la rectitude politique et où on déteste par-dessus tout la confrontation, un regain de sympathie pourrait jouer en faveur du malheureux Justin. M’est avis pourtant que l’air béat (et un peu puceau) de Justin Trudeau et les grands sourires devant la télévision n’y suffiront pas. Je me souviens de ces leaders européens affublés du même tic à l’approche des caméras, qui se réclamaient d’un centre-gauche social-libéral très light, comme le Canada dry et comme le parti libéral du Canada, et qui n’ont pas bien fini, l’Espagnol Zapatero, le Portugais Socrates et bien sûr Tony Blair l’inspirateur du tournant libéral des gauches européennes. 
Voilà trois ans que Justin Trudeau est à la tête de ce pays nommé Canada. Mais le Canada est-t-il encore un « pays » tel que nous le connaissons depuis quatre siècles ? Rien n’est moins sûr. D’autant plus avec cette déclaration qu’il fit en 2015 aussitôt après son élection : qu’il n’y a pas « d’identité centrale » ou de « courant majoritaire » canadien et que le Canada serait ainsi le « premier État post-national au monde ». 
Mais qu’est-ce-que la nation au juste pour le chef du parti libéral du Canada, à part cet objet associé à toutes les horreurs bellicistes et guerrières du 20e siècle ; et à quoi pourrait bien ressembler cette post-nation, car il ne suffit pas d’accoler le préfixe post pour créer ex nihilo une catégorie d’organisation collective nouvelle ? Plus généralement, comment évolue le Canada au regard de son insertion dans le système mondialisé, de l’arrivée massive d’immigrants de souche non européenne et de la transformation idéologique des États-Unis, ce voisin si encombrant ? 

  • Le vide trudeauiste ou l’objet post-national non identifié

La nation moderne est née à l’orée du XVIIe siècle, simultanément en France et en Angleterre. Elle a pris les traits de l’État-nation comme système d’organisation sociale. Avec l’individualisme, la démocratie, le libéralisme, l’économie de marché et la protection sociale elle a formé pour l’Occident un tout cohérent qui a conquis la planète entière. La nation n’a pas déméritée à l’aune des progrès de l’humanité, en regard de ce qui l’a précédé. Son caractère permanent sous des formes variées ne fait pas de doute, qu’elle prenne les traits d’une ethnie (la nation zoulou, la nation iroquoise), d’un peuple dispersé (la nation juive, la nation arménienne, la nation tzigane), de l’État-cité (Florence, Pise, Bruges) ou de l’État-nation moderne. Oui mais voilà les nationalismes du 20ème siècle étant passés par là les élites mondialisées et hors-sols pensent que la nation est le problème et non la solution, parce qu’elles ont en horreur les identités enracinées et les souverainismes qui s’échinent à conserver leurs attributs aux nations. 
Vouloir la fin de la nation est audacieux surtout quand on ne sait pas qui sera l’heureux gagnant à son remplacement. Trudeau le sait-il lui-même, autrement qu’en endossant ces identités culturelles successives, bigarrées comme les poses communautaires et les tenues folkloriques qu’il arbore au gré de ses interlocuteurs et de ses déplacements. Depuis qu’il s’est montré à la marche des fiertés en 2015, où qu’il aille, Trudeau se croit à Carnaval et joue les caméléons. Pour faire plaisir à ses hôtes, dit-il. Connaît-il seulement le sens du mot histrion ? 
Intellectuellement, Trudeau et Trump font la paire. Trudeau est à la gauche libérale et mondialiste ce que Trump est à la droite conservatrice et souverainiste, l’un couvert d’éloges et l’autre couvert d’opprobre, l’un adoubé par les gens comme il faut et l’autre abreuvé de lisier, le premier, irénique et un peu crétin sur les bords, le ravi de la crèche des bobos globalisés, et l’autre, manipulateur et cynique, le grand méchant loup des ploucs enracinés. Le moins futé n’étant pas celui qu’on croit.
Trudeau n’est pas un intellectuel, comme l’aura été son père et la génération de franco-canadiens bénis des dieux qui fit le Québec de la révolution tranquille et contribua à façonner le Canada moderne. Il est un homme de son époque, façonné par le marketing et la publicité, fasciné par les médias, vulnérable à toutes les idées-reçues du temps, un Macron sans l’ENA, sans Ricoeur, sans la banque Rothschild et sans les grands corps de l’Etat. Macron qui, peu ou prou, partagerait (ou afficherait) la même idéologie post-nationale quand il déclarait en 2017 qu’il n’y a pas de culture française. Il y a une culture en France.
Il y eut peu de réaction aux déclarations du chef du parti libéral, si ce n’est dans la presse anglophone, et pour cause. Car dans un sens Trudeau a raison. Son Canada post-national est le constat de ce qui existe depuis 40 ans: un objet post-national non identifié (OPNI) nommé Canada, entre société multiculturelle et société de marché. Et s’il n’y a pas d’identité canadienne hégémonique, c’est pour la bonne raison qu’au départ il n’y a pas une identité canadienne mais bien deux, l’anglaise et la française, et que cette double identité, avec les éléments italiens, juifs, irlandais, allemands ou slaves qui s’y sont agrégés, a formé un transplant de la civilisation européenne en Amérique où elle a pris souche et emprunté sa voie propre dans son nouveau terroir,  pour donner ces fruits qui ne sont pas si mauvais, ou pas pires (litote à la québécoise…). 

  • Entre meurtre du père et révisionnisme culturel 

Le Canada nouveau à la Trudeau est la négation de cet héritage européen, Justin étant pourtant la synthèse de cette double culture, et plus encore son père Pierre-Eliot, et avec lui les familles d’intellectuels éclairés, venus des professions libérales et des milieux d’affaire, sis à Outremont pour les francophones et à Westmount pour les anglophones, de part et d’autre de la montagne de Montréal, qui ont donné tant d’Hommes d’État au Canada. Il entre dans l’entreprise de Trudeau junior quelque chose de l’ordre de l’inculture, de la haine de soi et de la pulsion de mort. Peut-être entendait-il juste tuer le père, une fois encore, au-delà de la mort, et c’est le Canada qui ferait les frais de cette nouvelle guerre des Atrides et son cas relèverait de la psychanalyse. 
Il faut cependant nommer l’entreprise trudeauiste par son autre nom qui est celle du révisionnisme. Le révisionnisme est inhérent à un pouvoir tenté de réécrire les événements dans un sens favorable à ses intérêts. L’Histoire est volontiers écrite par les vainqueurs. Le révisionnisme fonctionne comme une entreprise de purification culturelle et d’éradication mentale des éléments mémoriels d’un groupe ou d’une nation que l’on veut faire taire ou noyer dans la masse, quand les entreprises de purification ethnique fonctionnent par l’extermination des personnes au travers des meurtres de masse, des viols et des déportations. Les deux vont souvent ensemble, l’un qui vise l’élimination physique se nomme génocide et l’autre qui veut l’élimination culturelle se nomme ethnocide. 
Le révisionnisme dans sa forme négationniste n’est pas que le fait des sociétés totalitaires, passées maîtres dans l’art de réécrire l’histoire, à la gloire de la race aryenne ou de la classe prolétarienne, en effaçant toutes traces physique et culturelle des nations juive et tzigane, ou des éléments bourgeois et réactionnaires, jusqu’à la négation des chambres à gaz, ou l’escamotage de tel ou tel événement et dignitaire communiste. On se souvient de l’entame du roman Le Livre du rire et de l’oubli, où Kundera raconte comment le dirigeant tchèque Clementis disparaît des photos officielles où il figurait en 1948, après qu’il a été pendu, quatre ans plus tard, pour révisionnisme, justement. 
Car le révisionnisme, c’est aussi ce que feu la ministre Vallaud-Belkassem aura mis en œuvre avec ses nouveaux programmes d’histoire, occultant l’enseignement de la Chrétienté médiévale ou des Lumières devenues facultatives au profit de celui de l’Islam et des traites négrières, ou cette entreprise révisionniste étatsunienne qui consista, sous la conduite d’un féminisme et d’un racialisme agressif et obtus, d’expurger l’Art, la littérature et le récit des grands personnages de l’Histoire de ces mâles blancs trop nombreux qui s’y sont distingués.
  • Un pays sans Nation : multiculturalisme et société de marché
Un pays qui ne serait pas une nation est-il encore un pays, au sens politique et culturel, et non un simple espace géographique plus ou moins bien délimité ? La question mérite d’être posée. C’est à « un pays » auquel les Québécois aspiraient dans leur rêve d’indépendance, le terme de nation et de conservatisme n’ayant pas bonne presse au Québec (en raison de la grande noirceur duplessiste, cette même noirceur à laquelle fut associée l’Eglise catholique, et qui a pourtant produit cette remarquable génération passée par les petits séminaires qui fit la révolution tranquille), et qui mieux que Gilles Vigneault aura chanté ce pays comme histoire commune et communauté de destin ? Mon pays, ce n’est pas un pays, c’est l’envers D’un pays qui n’était ni pays ni patrie…
La nation c’est ce qui fait « communauté » dans les traditions anglaise et française -pensons aux termes de Communes et Commons, de sens commun et de common decency- mais aussi allemande (le Bund) parce que le défi pour les grands espaces culturels européens à l’orée des guerres de religion et à l’entrée dans l’ère des puissances fut leur unité constamment menacée par les forces centrifuges en leur sein ou en leur pourtour, aussi la constitution de leurs États-nation a consisté à lutter sans merci contre la désunion, en défaisant impitoyablement opposants et minorités tentées de s’organiser en communautés séparées.
Le pays dans la conception de l’État post-national trudeauiste est d’un autre ordre. Il en revient presque au stade qui préexistait à l’État-nation, à cet état de lutte de tous contre tous contre lequel Hobbes et Machiavel opposèrent l’État Léviathan et le Prince, bases politiques de l’État-nation absolutiste, préalable à l’État-nation moderne. L’État post-national trudeauiste remplace la communauté par les communautés ; avec la société multiculturelle qui organise le (mal) vivre-ensemble entre communautés antagonistes et avec la société de marché qui maintient un semblant de lien social entre ces communautés qui s’ignorent ou se font la guerre. 
La première s’échine à éradiquer tout ce qui reste d’héritage anglais et français dans ce pays et la seconde que j’ai baptisé Canada Inc. (Inc. comme Incorporated), en référence aux milieux d’affaires qui dirigent en sous-main le Canada, l’association des firmes (corporations, en anglais) et des intérêts privés qui ont mis en coupe réglée l’État canadien, quand le citoyen est réduit à sa fonction de producteur-consommateur sous l’égide des fétiches mercantile et marchand. Trudeau du reste l’a dit dans sa déclaration à la presse à l’issue du G7: « la prospérité des citoyens et l'économie, c'est ce qui compte ». It is the economy stupid ! Les identités, la culture, l’âme des peuples, n’ont rien à y faire ! C’est la politique au service de l’économie et de ceux qui la tiennent.

II. Enfer multiculturel et Canada Inc.


Un Éric Zemmour du Canada, s'il existait, aurait pu titrer "Le suicide canadien: les 40 ans qui ont défait le Canada" et un Renaud Camus, le Grand remplacement canadien. Car c’est bien de cela dont il s’agit, de la disparition du Canada comme nation, synthèse des deux cultures fondatrices, par la diminution du poids démographique, politique et culturel des populations française et anglaise d’origine, en les fondant dans le magma et le fourretout multiculturel. 

  • L’ethnocide des nations françaises et anglaises

En dépit de ce que croit Justin Trudeau il y a, ou il y avait, une identité nationale canadienne qui était la synthèse des cultures anglaise et française. Cette double identité, dont on pouvait voir les beaux fruits d’un océan à l’autre, faisait l’originalité et la force du Canada et lui donnait son pouvoir d’attraction. Leur destruction à terme, ou leur réduction à l’état de folklore, changera la face du Canada et le rapprochera de ce que sont les Etats-Unis: une société plus dure, plus violente, plus individualiste et plus matérialiste, sans les qualités du patriotisme civique des Etatsuniens et du « nationalisme de tous les jours » qui les rendent si forts dans l’adversité. Le remplacement culturel et démographique des deux nations fondatrices, leur ethnocide, est un crève-cœur dont on n’a pas finir de voir les effets délétères.

C’était la beauté, la richesse et l’honneur du Canada que d’avoir eu deux nations qui prirent part à sa fondation et d’avoir pu conserver cette identité européenne, en puisant au meilleur de leurs racines culturelles respectives, du régime parlementaire et du sens entrepreneurial pour la tradition britannique, ou des formes de convivialité et de traditions populaires, jusqu'à la langue parlée, venues des provinces de France et admirablement conservées par les Canadiens français. Une identité authentique et vivante, malgré les vicissitudes de l’histoire et la cohabitation souvent antagoniste entre les deux cultures. 

Car après l’abandon de ses colonies par la France (après la bataille des plaines d’Abraham, en 1759), les Anglais assujettirent les Français du Canada, qui ne survécurent à l'assimilation que grâce à la résistance culturelle et cultuelle organisée par l'Eglise catholique et à la revanche des berceaux, cette reconquête de l'intérieur des peuples opprimés. Tentative de rachat et mauvaise conscience ultérieure, une place tardive a été faite aux "premières nations" amérindiennes qui ne furent pas massacrées comme aux Etats-Unis. Rappelons que le Canada est le seul pays à avoir dévolu la gestion d'immenses territoires ayant le statut d'Etats (Yukon, territoire du Nord-ouest) aux peuples autochtones et que la culture amérindienne a une place éminente au Canada, malheureusement plus comme objet de folklore que comme culture vivante, vu le dépérissement de leurs communautés, rongées par tous les fléaux sociaux qu’on puissent imaginer, et pourtant arrosées de subventions et d’aides sociales, ceci expliquant aussi cela (ce qui n’est pas sans rappeler la France).

En fait, les deux nations, l'anglaise et la française, ont fondé à deux, au travers d’un conflit séculaire et une guerre larvée qui les ont peu à peu rapprochés, comme l’exemple revient ailleurs, l’identité nationale canadienne. Il y a des guerres qui unissent quand deux peuples s’affrontent l’un à l’autre, et des guerres qui éloignent quand une multitude de communautés s’écharpent les uns contre les autres sans faire œuvre commune. Pour l’anecdote, Montcalm et Wolf, les deux généraux morts à la bataille des plaines d’Abraham ont leurs rues côte à côte à Montréal.

La France est née de la confrontation entre les gens d’oc et les gens d’oïl (que les matches entre l’OM et le PSG perpétuent à leur manière), soit, selon Aragon, la fusion de l’amour provençal et de la légende celtique, de l’art des trouvères à celui des troubadours, de la poésie et du chant, dont le Perceval de Chrétiens de Troye est la synthèse qui féconda l’Europe entière. De même que  l’Angleterre naquit des conflits entre les Angles et les Saxons dont les romans de la Table ronde sont rempli. De même que, depuis 2000 ans en Allemagne, s’affrontent Saxons et Teutons du nord contre Alémans et Franconiens du sud, jusqu’aux différends actuels entre Merkel la Prussienne et Seehofer le Bavarois. Mais deux millénaires d’histoire, un Justin Trudeau peut-il comprendre ça ?

Jusque dans les années 1970 la composition ethnico-culturelle du Canada est restée stable, massivement d’origine européenne. À la différence des Etats-Unis qui avaient d’immenses territoires à peupler et pour qui l’afflux continu de déshérités du monde entier a été le moteur d’une conquête intérieure, de type économique, politique et mentale, le Canada avaient d’immenses territoires qui ne se prêtaient pas au peuplement, pour des raisons climatiques mais aussi parce que le développement n’y réclamait pas un tel surcroit de main d’œuvre, surtout que l’Angleterre échaudée par l’indépendance américaine s’y montrait plus prudente.

  • Pierre-Eliot Trudeau et la naissance du multiculturalisme canadien

A partir des années 1960, trois phénomènes matériels bouleversèrent cet équilibre en changeant la conception que l’on pouvait avoir d’un pays ou d’un État unitaire et en faisant basculer le Canada dans le paradigme multiculturel: le nouveau besoin de travailleurs pour les industries de biens de consommation et les services peu qualifiés, le tarissement de l’immigration venue d’Europe, la mise en branle de migrations nouvelles d’origine extra-européenne causées par des conflits violents : Vietnam, Biafra, Bengladesh, Haïti. Les mentalités avaient aussi changé : nouvelle poussée de l’individualisme, retour du refoulé sur la nation accusée de tous les crimes du 20e siècle, prise de pouvoir idéologique par le gauchisme culturel fait d’internationalisme, de tiers-mondisme et d’anti-occidentalisme dont mai 68 fut l’acmé, et enfin l’exemple du Royaume-Uni et des Pays-Bas, confrontés à l’immigration de leurs anciens colonisés, et enfourchant pour un temps les foucades multiculturelles, avant de s’en mordre les doigts.

L'adoption en 1982 par l'Etat fédéral sous l'impulsion de Pierre-Eliot Trudeau de la Charte des droits et libertés, incorporée à la Constitution canadienne, elle-même « rapatriée » de Grande Bretagne a été la réponse à la nouvelle donne sociale, et le vadémécum de tous les communautarismes en devenir, et in fine le signe du triomphe des droits individuels et communautaires sur l'identité nationale commune, héritée des deux nations fondatrices, transformant le Canada en société multiculturelle, multireligieuse et multiraciale où "Anglois" et "François" deviendront bientôt minoritaires dans le pays qu'ils ont fondé, au profit des allophones et autres minorités visibles, termes de la rectitude politique pour qualifier les nouveaux venus dans le paradis multiculturel canadien et les opposer aux blancs, européens et chrétiens.

Cette stratégie a parfaitement réussi pour le Québec en tuant pour toujours les velléités d’indépendance, avec l’accroissement de la proportion d’allophones, fédéralistes et anglophiles (ou de ceux qui font une allergie à l’identité culturelle du Québec -j’en ai particulièrement rencontré parmi les Français tannés de se faire traiter de maudits), au détriment des Québécois de souche, dits « pur laine », avec l’aide active des souverainistes québécois eux-mêmes, qui n’ont pas compris, ou alors trop tard, qu’il n’y a pas de souveraineté politique sans un minimum d’unité ou d’homogénéité ethnico-culturelle et que le souverainisme de gauche, internationaliste, tiers-mondiste et droit-de-l’hommiste était condamné à l’échec. Il le fut en France avec les chevènementistes. Il l’aura été au Québec avec les péquistes. En ce sens le souverainisme québécois est mort par la faute même du parti québécois et de l’emprise du gauchisme et de la pensée différentialiste au détriment des valeurs de la social-démocratie.

  • La société multiculturelle : conflits, désespérance, ennui 

En devenant multiculturelle, la société canadienne est devenue plus conflictuelle, plus criminogène, plus dure, plus brutale. Il n’y a plus de place pour les faibles, si ce n’est dans un assistanat et un misérabilisme compassionnel qui les maintient dans l’état où ils sont tombés. En cela, le Canada s'est américanisé. Parce qu’une société multiculturelle est par définition multiconflictuelle, et hors la communauté d’appartenance il n’y a pas de salut social. 

Cependant, ce n’est plus le modèle du melting-pot états-unien (une nation relativement unie sur fond de symboles communs, ou de rites collectifs, un patriotisme dit de tous les jours), lui-même en grande déliquescence aux Etats-Unis, qui prévaut, mais le modèle du salad-bowl qui est certainement un état post-national mais où il serait difficile d’y voir quelque progrès pour l’humanité, sauf dans la reconnaissance et l’expression de chaque identité particulière, souvent sur un mode narcissique et outré, un différentialisme identitaire, base de la démocratie diversitaire selon Mathieu Bock-Côté qui est la mort même de l’universalisme et de ce qui fait société, et de la gauche qui s’en réclamait, au grand dam d’auteurs comme Jacques Julliard et Marcel Gauchet. 

La société multiculturelle est l’une des formes prises par la société des individus. Elle est le dernier stade, une forme organisationnelle non harmonieuse mais viable, en tout cas pour le moment, avant le basculement dans l’absence de société tout court, et le retour à la loi des clans et la loi du sang (mode d’organisation que les groupes mafieux, ou les groupes islamistes ont perpétués jusqu’à aujourd’hui). C’est le modèle du « mal vivre-ensemble », et non du « vivre-ensemble », cette vessie que les thuriféraires du multiculturalisme gagnés au mensonge orwelien voudraient faire passer pour des lanternes. Autant dire que nous sommes également loin du modèle européen initial de l'Etat-nation, cette nation uniculturelle ou biculturelle, héritage d'une longue histoire commune et de processus d’assimilation progressive au travers d’une culture partagée.

Dans cette société-là règne une énorme désespérance sociale et un profond ennui, un sentiment extrême de solitude et d'anomie. La violence y est endémique, la petite délinquance très fréquente, l’insuffisance de logements décents à prix abordable un désastre, les maladies mentales en croissance exponentielle et l’usage de drogues un fléau social. On y sent une absence de repères et un sentiment de solitude extrême, avec ces nombreux exclus du rêve multiculturel canadien, cette exclusion touchant différemment les communautés, selon qu’elles sont inclusives, telles les communautés chinoise ou indochinoise sur la côte pacifique qui font, pour cette raison même, l’objet d’un ressentiment croissant. Les mêmes problèmes qu’aux États-Unis se voient malgré l’État social canadien plus protecteur : suicides, addictions, troubles du comportement, psychopathologies, overdoses aux médicaments, fléaux qui touchent surtout, comme par hasard, les blancs d’origine canadienne et de sexe masculin, parce qu’eux ne forment aucune communauté organisée.

Au mieux les communautés ethniques, linguistiques ou religieuses cohabitent, dans des quartiers séparés, s'ignorant royalement, se victimisant mutuellement, rien ne les rattachant entre elles, surtout pas une hypothétique identité nationale, et au pire en se faisant la guerre et en se trucidant les uns les autres, lors de brusques accès de fièvres urbaines et d'une violence endémique sous formes de défense tribale du territoire sur le mode ethnico-racial ou de guerre des gangs.

  • Canada Inc: quand le Canada est devenu une marque commerciale

Il y a des complexes militaro-industriels, aux Etats-Unis ou en Russie, quand les industries d’armement dictent certains des choix du gouvernement, et des complexes politico-administratifs, en France ou en Chine, quand c’est la bureaucratie d’État et la haute administration qui pèsent sur les choix collectifs. Au Canada, on a un complexe lié au milieu des affaires et aux grandes firmes mondialisées en lien avec les milieux universitaires et médiatiques, ressortant d’une mentalité subordonnant le politique à l’économique, un utilitarisme extrême, plus que dans tout autre pays capitaliste, où tout se comprend en terme mercantile et financier. Cela se voit au travers de l’appui des firmes aux partis libéraux et conservateurs, et il n’est jusqu’à plusieurs Premier ministres canadiens liés à des milieux d’affaire ou dans des situations de conflits d’intérêt qui les auraient discrédités dans tout autre démocratie. Que le NPD (nouveau parti démocrate), travailliste dans la tradition britannique, n’ait jamais pu conquérir le pouvoir fédéral se comprend aussi par l’absence de soutien dont il aurait pu bénéficier de la part des lobbies industriels et financiers.

C’est ce que j’appelle le Canada Inc., en ce que le Canada lui-même est devenu un produit marchand sur le marché des pays post-nationaux les plus attractifs, avec une marque dont la capitalisation s’estime en proportion de la valeur du PIB et de la présence dans les enceintes les plus huppées (le G7 est le Dow-Jones des démocraties industrialisées), avec l’organisation des échanges sur le marché des autres marques (à travers les politiques monétaire et fiscale, ou la mise en place d’accords d’échanges bilatéraux comme le feraient deux firmes décidées à collaborer ensemble) et une cotation sur le marché des post-nations, tout particulièrement l’évaluation financière faite par les agences de notation mais aussi via les classements innombrables qui étalonnent les performances en matière scolaire, universitaire, d’investissement ou du bonheur de vivre.

Le trait qui distinguerait le Canada serait cette marchandisation qui va jusqu’à la mise à l’encan des attributs nationaux, avec l’utilisation du drapeau unifolié comme produit marketing, mais aussi ces antiennes que sont l’hiver, la neige, le hockey, les grands espaces ou la cabane de rondins qui sont des stéréotypes commerciaux, comme les attributs d’un produit vanté par la publicité, en regard des ressources et des richesses d’une culture nationale plus complexe. L’usage à toutes les sauces et sur tous les supports du drapeau rouge et blanc à la feuille d‘érable atteste de ce merchandising à grande échelle. Noémie Klein, l’auteur du célèbre No logo, n’était pas pour rien Canadienne. Elle aura compris très tôt plus ou moins consciemment l’évolution de son propre pays. J’ai ressenti moi aussi cette dérive en l’ayant vécu dans l’endroit où je suis né et j’ai vécu, à Chamonix, devenue une marque commerciale sur le marché des destinations touristiques, comme Saint-Tropez, Ibiza ou Bali, ou comme Whistler ou Banff au Canada, ce qui concrètement s’est traduit par une pression immobilière si grande qu’il est devenu impossible aux gens du pays de s’y loger et par l’envahissement des enseignes de grandes marques parce que l’endroit leur sert de vitrine internationale, avec la disparition concomitante des commerces « de proximité ». 

Les maîtres du Canada Inc. se targuent de deux choses : d’être le pays préféré des migrants du monde entier (ce qui est encore une forme de cotation de marché sur le business de l’immigration, avec des répercussions financières, ne serait-ce qu’en regard des sommes astronomiques que les candidats à l’immigration doivent débourser) et de croire que le Canada attirerait davantage parce qu’il serait une sorte d’eldorado multiculturel, et d’être un  décalque en bien de tout ce que les Etats-Unis des Républicains et de Trump sont en mal (violence, racisme, bellicisme, exclusions). 

Ils ont tout faux. Car c’est le Canada à la fois anglais et français qui faisait son attrait pour les candidats à une vie nouvelle. La disparition de ce Canada là risque bien d’épuiser l’engouement qu’il suscitait, sauf à aller toujours plus loin dans les politiques de différenciation et de communautarisation, avec une forme de prostitution aux plus offrants ou au plus menaçants (ce que traduisent les accommodements (dé) raisonnables ou la diplomatie trudeauiste de la différenciation par le vêtement); et grâce aux bienfaits de la société multiculturelle et du Canada Inc. le pays ressemblera de plus en plus aux Etats-Unis, en pire. 



III. L’exemple du Wild West canadien


Je me permettrais, pour finir, d’apporter un éclairage plus personnel, fruit de mon expérience de résident du Canada. J’ai vécu et j’ai travaillé à Montréal, à Victoria et en Alberta. J’ai aimé ce pays et ses habitants. J’y ai voyagé un peu partout, from coast to coast to coast, comme on dit là-bas. J’en ai été un résident temporaire puis un résident permanent à partir de 2007. Jusqu’à ce que ma carte de résident permanent arrive à échéance et qu’elle ne soit pas renouvelée, pour des raisons que j’ignore mais qui me vaut d’avoir perdu, en 2018, ce précieux (et si couteux) statut de résident permanent, outre la possibilité de demander à être naturalisé, après une renonciation volontaire à laquelle j’ai dû procédée si je voulais avoir le droit de revenir sur le sol canadien. 

Cette expérience personnelle douloureuse m’a conforté dans l’analyse que j’avais développé au travers de mes recherches et de mon enseignement à l’Université du Québec à Montréal sur l’enfer multiculturel canadien et le Canada Inc., ces deux mamelles de l’objet post-national de la pensée trudeauiste. Je voudrais raconter, non mes années passées à Montréal mais ce que j’ai vécu sur la côte pacifique, dans la province de Colombie britannique qui fait office de laboratoire multiculturel du Canada, et où le Canada Inc. est bien représenté, en particulier en sa ville centre, Vancouver. 

  • Dur avec les faibles et faible avec les puissants

Si la Colombie britannique est un laboratoire de la société marchande et communautarisée du futur, c’est, selon moi, en ce qu’elle est brutale et sans concessions, peu inclusive, là où règne la loi du plus fort, là où les laissés-pour-compte bénéficient d’un filet de protection minimale pour éviter qu’ils ne viennent à contester un système où ils ne sont rien: la société dure avec les faibles et faible avec les puissants de Justin Trudeau et Emmanuel Macron. Le Canada irénique et consensuel cache d’énormes fractures sociales. Il me semble que l’aversion des Canadiens pour la confrontation, et donc pour le débat d’idées, tient aussi à la société multiculturelle et à la nécessité de ne fâcher ou « manquer de respect » à personne: l’irénisme sert à éviter que les tensions sociales éclatent en une violence aveugle et incontrôlée, parce qu’on la sent sous-jacente, prête à sortir de sa boite à tout moment et pour les motifs les plus insignifiants.

Si Vancouver faisait rêver (« toi qui pâlis au nom de Vancouver » écrivait Marcel Thiry, poème repris par mon compatriote genevois Nicolas Bouvier pour illustrer le gout des voyages au long-cours) et fait encore rêver, c’est pour ceux qui n’y ont jamais vécu ou qui disposent de revenus assez élevés pour pouvoir se payer la maison individuelle ou le condo hors de prix, véritable marqueur de la réussite sociale du yuppie canadien. C’est ce personnage des publicités vantant Vancouver City que l’on voit faire son jogging dans le superbe parc Stanley, pointe avancée de la presqu’ile sur laquelle elle est bâtie, ou au volant de son SUV au milieu des gratte-ciels qui se mirent dans les eaux du Pacifique au bord des plages de sable fin. 

Ce personnage, on le connaît. Denis Arcand avait tout dit à son propos, en visionnaire, dans les Invasions barbares, en 2003. Il est à la société marchande et mondialisée ce que l’ouest du Canada est à l’État post-national : un nouveau barbare sans la haute culture des générations précédentes, marchant aux seules lois du business et de la communication, sans la culture bourgeoise et les arts majeurs –littérature, opéra, musique classique, musées d’arts, théâtre- qui définissaient l’honnête homme et qui sont, et pour cause, le parent pauvre dans ce coin-là du Canada.

En 2017 le New York Times avait qualifié de Wild West la Colombie britannique, en référence à ses mœurs politiques qui faisaient plus penser à l’Amérique du Far-West et des pionniers qu’à celles d’une démocratie civilisée, en termes de financements des partis politiques, de corruption et de conflits d’intérêt, et d’ingérence du milieu des affaires dans les politiques publiques. Au point que le gouvernement sous étiquette libérale qui incarnait ces dérives a perdu le pouvoir, malgré la force de frappe financière dont il disposait, au profit d’une coalition de sociaux-démocrates et d'écologistes, une première au Canada.  

Un signe extérieur qui ne trompe pas : la vision dantesque qu’offre une partie du centre-ville de Vancouver, inoubliable au visiteur qui la parcourt à pied, où se côtoient usagers de drogues, dealers et trafiquants en tous genre, malades mentaux qui déambulent faute de capacités d’accueil adaptées, familles sans-domiciles, et tous ces jeunes à la dérive qui arrivent de tout le Canada dans ce Go-West toujours recommencé. On se croirait sur les trottoirs de Calcutta. Le nouveau gouvernement n’a pas pour rien créer un "ministère à la santé mentale et aux addictions". De même que dans les classes aisées, la consommation d’opiacées en intraveineuses, qui soulagent autant les douleurs physiques que les souffrances mentales est un fléau (dans toutes les toilettes publiques, vous trouvez de ces récipients pour seringues usagées, même dans les ferries et aux débarcadères des iles paradisiaques au large de Victoria, la capitale de la province).  

Autre surprise pour qui vient d’une Europe très administrée, et bien policée, au meilleur sens du terme, est l’occurrence des escroqueries et des filouteries, la police observant un laisser-faire assez confondant. Internet y est par excellence un espace sans foi ni loi: arnaques aux véhicules, au logement, à la colocation, aux petits boulots. Plusieurs signes qui ne trompent pas : les vols fréquents de vélos ou le faible nombre d’annonces Airbnb pour les touristes car les gens ont peur d’accueillir des inconnus chez eux ou les auberges de jeunesse fréquentées par des jeunes avec des problèmes mentaux, en rupture de ban. Le pire à la lumière de mon expérience propre tient aux entreprises ayant pignon sur rue : Air Canada, qui ne sent fautif de rien en cas de problèmes de bagages ou de correspondance, la compagnie de télécommunication Telus dont les abonnements et le système de facturation est la plus grande arnaque que j’ai jamais vue.

  • Tout ça pour ça ou adieu cabane au Canada !

Je finirai avec un court récit. Pour pallier à la difficulté de me loger quand je me rends en Colombie britannique et parce que je suis un passionné de voile j’ai acheté un (petit) voilier d’occasion, qui est amarré à l’année à Oak Bay près de Victoria, presque un village, au charme britannique qusi intact. Outre que je me suis fait avoir à l’achat du bateau, bien entendu, malgré les experts que j'avais appointé, il m’est arrivé une mésaventure l’été dernier, quand arrivant au milieu de la nuit après une longue journée de navigation solitaire dans un petit port de la côte ouest de l’ile de Vancouver, j’ai violemment heurté une ligne de billes de bois placée là sans signalisation, pour protéger des vagues les pontons d’un hôtel accueillant une clientèle de riches Américains pêcheurs de gros. Je faillis être précipité à l’eau et les dégâts à la coque furent suffisamment importants pour justifier une immobilisation du bateau pour procéder à des réparations immédiates. 

Mes protestations auprès de la direction de l’hôtel et des garde-côtes, pas plus que la plainte à la police pour mise en danger d’autrui, classée sans suite, ne servirent à quelque chose. Je bataillai encore pour trouver un chantier de réparation, et aussi pour que l’agent qui devait faire l’expertise veuille bien se déplacer et que l’assurance me remboursât les dégâts selon les conditions du contrat. Je me suis senti pleinement dans le Wild West canadien et je me suis dit que la société libérale multiculturelle avait un parfum de déjà vu, une rémanence du 19e siècle avec ses despérados sans foi ni loi et ses barons voleurs. Le plus célèbre des notables qui étaient de véritables truands se nommait Robert Dunsmuir, il était écossais d’origine et exploitait le charbon d'excellente qualité de l’ile de Vancouver qu’il exportait vers San Francisco. Ses méthodes : chantage, pots de vin, extorsions. Ses ouvriers l’avaient surnommé King Grab, le roi des rapaces. Bienvenue dans la société de marché et le Canada Inc !

Pour finir sur la perte inexplicable de mon statut de résident permanent au bout de 14 ans alors que j’avais fait au Canada une partie de ma vie, que j’y ai travaillé, payé mes impôts et cotisé au REER, que j’y ai toujours des amis à qui j’aime rendre visite, que je suis très diplômé, hautement qualifié, financièrement autonome, et même quadrilingue, je ne peux m’empêcher de penser que cela a eu à voir avec le crédo post-national du gouvernement canadien. J’ai écrit à l’honorable Ahmed Hussen, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté mais je n’ai pas eu de réponse. 

En voulant réduire ou détruire ce qui reste de la culture des deux nations fondatrices, étant moi-même éminemment porteur de cette double culture, française par les origines et anglaise par choix, je crains de ne plus faire partie du public prioritaire de résidents et d’immigrants voulus par les libéraux de Justin Trudeau. Peut-être, est-ce mieux ainsi car je n’aurais pas été heureux dans ce que le Canada est devenu.