Le 1er novembre 2016 Airbnb a changé les conditions d’utilisation
de ses services. Outre une sérieuse remise en ordre de ses activités en Chine du
fait de l’obligation de communiquer aux autorités les coordonnées de ses hébergeurs,
la plate-forme de location de logement demande à tous ses membres, logeurs ou
logés, de se conformer aux obligations locales de réglementation et de taxation
et surtout dans le cadre de sa « large
initiative de lutte contre les préjugés et les discriminations… d'adhérer
à l’engagement de la communauté (appelé Non discrimination policy en étasunien) pour pouvoir continuer à utiliser Airbnb ». En cas de refus de
signer la charte, les membres « ne
pourront plus héberger de voyageurs ni réserver sur Airbnb, et ils auront la
possibilité d’annuler leur compte ».
Cet engagement ainsi rédigé -J'accepte
de traiter tous les membres de la communauté Airbnb avec respect, sans préjugé
et sans distinction de race, religion, origine nationale, origine ethnique,
handicap, sexe, identité de genre, orientation sexuelle, ou âge- intervient
après que les noirs aux États-Unis se sont mobilisés sous le hashtag #AirbnbWhileBlack, contre des discriminations dont
ils auraient fait l’objet.
Airbnb sort sa charte au moment où elle est en train de perdre une partie
de son impunité et de se voir soumise, comme d’autres firmes voyous avec elle, aux
règles de la vie commune dans des pays civilisés : payer des impôts, ne
pas bénéficier d’avantages indus sur les concurrents ou salarier ses employés
pour leur faire bénéficier d’une protection sociale.
Aux États-Unis, les menaces d’amendes ou d’interdiction se font plus
pressantes à San-Francisco, à New-York, à Santa-Monica. La firme a pu trouver
des accords précaires dans d’autres capitales sur la taxe de séjour, à Paris
par exemple. En France justement, coup de théâtre à l’Assemblée nationale le 27
octobre : les députés ont voté l’affiliation au RSI à partir de 7.720 € de
revenus annuels pour les offreurs de service de l’économie dite de partage (AirBnb,
Zilok, Drivy) -doux euphémisme pour des activités commerciales sauvages exercés
sans cadre légal.
Les autres entreprises du secteur sont aussi dans le collimateur, Uber tout
particulièrement, mais aussi des centaines d’autres "plateformes collaboratives
de services" parce qu’elles déstabilisent des secteurs entiers d’activité (hôtellerie,
taxis) ainsi que le mode de financement de notre protection sociale. L’Urssaf
a assigné Uber devant le tribunal pour obtenir que ses chauffeurs passent au
statut salarié. Ce que deux plaignants ont déjà obtenu en Grande Bretagne, et bientôt les 30 000 autres chauffeurs qu'elle emploie dans ce pays, au risque de mettre en danger son modèle d'affaire.
L’enjeu est d’importance car depuis la crise de 2008 aux États-Unis
ou en Europe l’emploi est de plus en plus précaire et le travail occasionnel ou indépendant ne permet pas de bénéficier d’une couverture sociale ou alors de manière
frauduleuse en s’inscrivant au chômage. La réalité de l'utopie coopérative capitaliste ce sont des revenus bas et précaires pour les dindons de la farce de l’économie de
partage et de gras et gros profits pour ceux qui les exploitent. La
capitalisation de Airbnb atteindrait déjà 30 milliards de $.
À un plus haut niveau, la Commission européenne s’est enfin saisie des
questions de fraude fiscale (appelée évasion ou optimisation fiscale, encore par
euphémisation) et aux cotisations sociales des Google, Apple, Amazon, Microsoft et Starbucks,
ces entreprises mondialisées du net et de la nouvelle économie, presque toutes
américaines, qui délocalisent leurs activités dans les pays à faible fiscalité
(Irlande, Luxembourg, Pays-Bas), par un simple jeu d’écritures comptables. L'inébranlable commissaire à la concurrence Margrethe Vastager menace Google d’une amende de
7.5 milliards d’euros pour infraction à la législation anti-trust et est en passe de
contraindre Apple à rembourser 14.1 milliards d’exonérations fiscales illégales
à l’État irlandais.
Pour contrer les villes et les États qui veulent les réglementer Airbnb et
Uber joue du misérabilisme en arguant du caractère modeste de leurs membres qui
trouveraient là un appoint de revenu, jouant les petits contre les grands méchants
de l’industrie hôtelière et du lobby des taxis. Sauf que ceux-là ont pour obligation de payer des impôts et des cotisations, et que des hôtels entiers passent en
Airbnb, et qu’à New-York où la location de moins de 30 jours est théoriquement
interdite, 40 % des offreurs possèdent plusieurs hébergements et que l’effet s’en
fait sentir sur le parc locatif de longue durée et le prix de l’immobilier, de
même à Vancouver, Barcelone ou Berlin. L’économie du partage est devenue le
marché des gros joueurs aussi.
Airbnb a flairé un nouveau filon pour se refaire une virginité. Son « engagement
de la communauté » est une opération de diversion, une tentative de
revêtir les habits trop grands de la morale par une entreprise qui se contrefout
des lois nationales, et elle fait dans le lourd : l’exclusion si l’impétrant
logeur ou logé n’acquiesce pas à sa charte anti discrimination. Sauf que les
termes en sont particulièrement vagues et qu’elle est inapplicable parce que l’acte,
ou le délit raciste, est difficile à cerner ou à qualifier, comme des exemples assez
drôles ne cessent de le montrer (les voisins qui appellent la police parce
que les gentils hôtes de AirBnb ont l’air patibulaire de cambrioleurs): quand la
tenue vestimentaire ou le comportement d’un jeune d’une minorité visible, comme
on dit au Canada, sont ceux des voyous, et inspirés des images du gangstarap et
de la racaille de cité, comment faire la différence avec des citoyens sans
histoire, ce qui du reste est aussi valable pour les contrôles au faciès de la
part des policiers et de leurs sur-réactions d’auto-défense face à un danger
possible. Cet engagement ne sert qu’à enfumer les gens.
L’antiracisme c’est comme la défense de l’environnement. Les entreprises
qui s’y adonnent le plus sont celles qui ont le plus de choses à se reprocher.
Les plus gros pollueurs comme Esso, Total, Alcan dépensent des milliards pour
nous dire à quel point ils sont verts, ils aiment les petites fleurs et les espèces
menacées.
Les Apple, Google, Facebook, Amazon et autres Airbnb dégagent de gros
budgets pour leurs actions de lobbying ou pour des actions de mécénat afin de
se racheter une conduite. Le combat antiraciste est de ceux-là. Ce n’est qu’un
paravent, un cache-misère. L’antiracisme est le faire-valoir des firmes globalisées
et le symbole même de la mondialisation libérale, de l’idéal de la société de
marché où l’individu sans attaches ni appartenances est réduit à sa fonction de
producteur-consommateur : nous sommes tous frères sur notre gentille
planète interconnectée, sans barrières ni frontières, aimons-nous les uns les
autres, et fasse que la seule loi à laquelle nous nous soumettons soit la loi
du marché !
Ces firmes ont pour ennemis les nations, les frontières, les identités incarnées,
et les États qui leur empêchent de faire leurs petites affaires. Elles ne
reconnaissent que deux entités : l’espace mondialisé qui est leur marché
et les communautés qui ne sont jamais que des individus agglomérés ou de l’individualisme
collectif comme dit Jean-Paul Bringhelli. Elles veulent bien des États mais a
minima, comme un filet de sécurité, pour prendre en charge leurs contractants
quand ils leur arrivent un pépin ou un accident. Dans le meilleur des mondes de
l’économie mondialisée elles socialisent les pertes et privatisent les profits.
Bien sûr, le racisme, ce n’est pas bien du tout, mais il y a aussi des
choses pires dans la vie, être chômeur en fin de droit, se faire violé ou
agressé en pleine rue, ou dans l’intimité du foyer, subir la loi des cités,
travailler en Chine pour le compte d’une entreprise richissime en échange d’un
salaire de misère, mourir comme esclave sur un chantier de construction du Qatar
ou dans un bordel de l’État islamique. L’imputation raciste, ça ne coûte rien,
ça fait bien dans la publicité, ça vous fait passer dans le camp du Bien et
puis on y met tout ce qu’on veut dedans : le racisme antimusulman, l’homophobie,
l’âge et le genre, l’antisémitisme, et même le racisme contre les handicapés
moteurs cérébraux, les sourds-muets, les gens de petites tailles, et je ne sais
quoi encore.
Ne savent-ils pas ceux-là qui voient du racisme partout que les races
n’existent plus, d epuis que les socialistes français, nos champions mondiaux de
la tartuferie, et ces phares de la pensée que la terre nous envie en ont
décidé ainsi ? Ce qui posent problème quand on continue partout ailleurs à raisonner
en termes de différence raciale, même et surtout aux États-Unis, la référence
pour la gauche atlantiste, là où la question raciale est
omniprésente, en fait l’obsession racialiste des sociétés
multiculturalistes.
Le site FdSouche a révélé récemment que Facebook permet à ses annonceurs
de cibler telle ou telle communauté pour sa publicité, de faire du profilage racial en bon français. De même qu’il n’est
pas un site de rencontre matrimonial ou sexuelle qui ne fasse référence à l’appartenance
ethnique dans l’identifiant de l’impétrant, et parfois dans la recherche de l’âme
sœur, l’ethnie n’étant jamais que le mot plus convenable, et surtout plus juste,
pour remplacer celui de race.
L’antiracisme (et l’idéologie du métissage qui lui est consubstantiel) est
à notre époque ce que le racisme fut à la précédente. Le racisme biologique, le
vrai racisme, est mort pour l’essentiel dans un bunker à Berlin en 1945 avec
celui qui lui a donné son acceptation la plus extensive et la plus criminelle.
Supprimer le mot ne supprime pas la chose. Seuls les idéologies
totalitaires crurent qu’ils changeraient la réalité en changeant la langue, et
le sens des mots, en la remplaçant par une novlangue dont Orwell a illustré dans
1984 le caractère tout à la fois absurde, hilarant et glaçant. Il y a du résidu
totalitaire dans l’antiracisme idéologique des socialistes français et dans l’antiracisme
commercial et ploutocratique des AirBnb et consorts.
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